Le plaidoyer du Réseau action climat en faveur des trains de nuit

24 05 2025 | Actualités

L’ONG environnementale publie ce 27 mai un rapport sur la relance des trains de nuit. Elle met en avant des « records de fréquentation » et invite les pouvoirs publics à revoir à la hausse ses commandes de matériel roulant.

Le rapport que le Réseau action climat (RAC) consacre aux trains de nuit tombe à point nommé, alors qu’a commencé, début mai à Marseille, la conférence nationale de financement des mobilités censée sécuriser l’avenir des infrastructures de transport à l’horizon 2035-2040. Un rapport et même plus : un plaidoyer dûment étayé en faveur d’une relance plus volontariste de cette offre, qui a bien failli disparaître au moment du Covid, quand ne subsistaient que deux pauvres lignes.

Au sortir de la pandémie, le gouvernement a choisi de redonner des couleurs au train de nuit, avec la réouverture, à grand renfort de com, des lignes Paris-Nice, Paris-Aurillac, Paris-Tarbes, de même qu’à l’international, Paris-Vienne et Paris-Berlin. « Une stratégie gagnante », salue Alexis Chailloux, spécialiste des transports au RAC et auteur du rapport, qui en veut pour preuve les « records de fréquentation » enregistrés l’an dernier.  Le nombre de passagers transportés a ainsi atteint le million, soit 26% de plus qu’un an auparavant et deux fois plus qu’en 2019.

86% de fréquentation sur la ligne Paris-Toulouse

Le taux de remplissage, lui, atteint les 76% en moyenne. Il grimpe jusqu’à 86% sur le Paris-Toulouse, la ligne la plus fréquentée, tandis que l’été, entre Paris et Nice, le train de nuit affiche souvent complet. Cela montre, selon lui, que « la demande est bel et bien là ». Et que « le train de nuit offre un potentiel énorme de report modal, depuis la voiture, mais aussi et surtout depuis l’avion. »

Le RAC est convaincu que le train de nuit – « pertinent sur les distances entre 500 et 1500 kilomètres » –  pourrait se substituer en partie à l’aérien sur au moins six des dix principales liaisons vers l’Europe (Paris-Madrid, Paris-Rome, Nice-Londres, Paris-Venise, Paris-Barcelone et Paris-Milan), sachant que seules ces deux dernières disposent de dessertes directes de jour. Le train de nuit aurait aussi tout son sens, insiste-t-il, sur les transversales les plus empruntées, comme Nice-Bordeaux, Nantes-Toulouse ou Lille-Toulouse.

Des voitures âgées d’un demi-siècle

Le problème, c’est que cette « envie de train de nuit » butte sur un manque de matériel roulant. Les dessertes sont aujourd’hui assurées avec des 129 voitures souvent âgées d’un demi-siècle et qui ont été, autant que se peut, remises au goût du jour.

Afin de les remplacer, au tournant de la décennie prochaine, l’exécutif a lancé en début d’année un appel d’offres. Le marché porte sur 27 locomotives et 180 voitures. Lesquelles, adaptées aux personnes à mobilité réduite, permettant d’emporter des vélos, dotées de sanitaires plus confortables, devraient offrir moins de places. « Autant dire que ce surcroît de matériel permettra tout juste d’ajouter quelques branches à des lignes existantes – une bifurcation vers San Sebastian, à partir de Bayonne, pour le Paris-Tarbes – ou d’ajouter quelques voitures sur les trains les plus fréquentés », nuance Alexis Chailloux.

Le choix de la location

Pour le Réseau action climat, il est donc temps d’accélérer. L’ONG environnementale demande au gouvernement d’actionner une clause optionnelle consistant à porter le marché à 300 voitures-couchettes. De quoi renforcer significativement l’offre, l’imposer dans l’esprit des usagers comme une alternative crédible aux autres moyens de transports et aussi réaliser des économies d’échelle, par exemple sur la maintenance. Même si l’unique technicentre à même d’accueillir ce matériel roulant, à Paris-Austerlitz, ne suffirait plus à son entretien.

Pour ne rien dépenser avant la mise en service des nouvelles locomotives et voitures-couchettes, et pour pouvoir éventuellement changer de matériel s’il ne correspond plus aux besoins sans attendre qu’il arrive en fin de vie dans une quarantaine d’années, le gouvernement a opté pour une location auprès d’une « rosco » (« rolling stock company », une société de location ferroviaire qui possède et met du matériel roulant à disposition d’opérateurs ou de collectivités). Une solution qui, à long terme, s’avère être plus coûteuse.

Un train de nuit peut-il être rentable ?

« Dans un contexte budgétaire tendu, il est peu probable que le gouvernement s’engage sur la commande de matériel supplémentaire », douche l’économiste Patricia Pérennes. D’autant, affirme cette spécialiste des transports, que « chaque mise en circulation d’un train de nuit se traduit par une perte d’argent ». Un argument souvent repris en interne, à la SNCF. « Une couchette est vendue une seule fois et le train n’effectue qu’un trajet par jour, là où un TGV effectue plusieurs rotations », relève un de ses dirigeants.

Fondamentalement, structurellement déficitaire, le train de nuit ? Alexis Chailloux nuance « Bien sûr, certaines lignes d’équilibres du territoire comme un Paris-Aurillac ou un Paris-Rodez ne rapporteront jamais d’argent – tout comme beaucoup de lignes de TER. Mais un Paris-Nice pourrait devenir rentable. » Ce dont doute fortement la SNCF. Selon elle, le taux de couverture des charges avoisine les 40% pour les trains de nuit, contre 25% à 35% pour les TER.

Le volontarisme autrichien

European sleeper, compagnie privée -belog-néerlandaises, qui propose des trajets Bruxelles-Amsterdam-Berlin-Prague, affirme, selon Alexis Chailloux, approcher de l’équilibre financier. Une autre entreprise privée, la start-up Midnight Trains a, elle, jeté l’éponge l’an dernier, confrontée notamment à des difficultés insurmontables pour acquérir et financer du matériel roulant.

Quelques constructeurs ont dans leur catalogue des voitures-couchettes mais toutes ne sont pas adaptées pour rouler dans n’importe quel pays d’Europe. Le plus en pointe est à l’heure actuelle Siemens, qui fournit son matériel aux chemins de fer autrichiens ÖBB, la seule compagnie historique à miser vraiment sur une offre solide de trains de nuit, en s’appuyant sur le dense réseau ferré d’Europe centrale et en bénéficiant de subventions.

Cette question du financement reste le cœur du dossier. Mais un simple raisonnement budgétaire ne suffit pas à appréhender le sujet, plaide Alexis Chailloux, qui évoque aussi les « externalités positives », en termes d’aménagement du territoire et de réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Pierre Sugiton

 

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