Ligne L : première ouverture à la concurrence… et première victoire pour la SNCF
Dans le grand chambardement ferroviaire que représente l’ouverture à la concurrence, la SNCF vient de remporter une manche décisive. Le 2 mai dernier, Île-de-France Mobilités (IDFM) a annoncé que Transilien SNCF Voyageurs était l’opérateur « pressenti » pour continuer à faire circuler les trains de la ligne L, qui relie Paris-Saint-Lazare à Versailles-Rive-Droite, Saint-Nom-la-Bretèche et Cergy-le-Haut. Un choix que le conseil d’administration d’IDFM devrait valider formellement le 20 mai.
La décision a tout d’un symbole. Car cette ligne L, forte de ses 36 gares, de ses 297 000 voyages quotidiens et de ses 4,2 millions de trains-kilomètres commerciaux par an, était la toute première mise en concurrence dans le cadre du calendrier d’ouverture progressif prévu par la loi. En remportant cet appel d’offres inaugural, la SNCF fait plus que conserver une part significative de son réseau francilien : elle rassure, aussi, les usagers et les élus qui redoutaient les effets d’une fragmentation trop brutale du système ferroviaire.
À bien des égards, la ligne L est un microcosme du réseau francilien. Elle traverse l’ouest dense de la région capitale, de la Défense aux quartiers pavillonnaires de Saint-Germain, de Cergy à Versailles. Sa complexité opérationnelle, sa fréquentation élevée et son rôle structurant en font un terrain d’observation stratégique pour les autres opérateurs en lice pour les futures vagues de concurrence, notamment sur les lignes J, N ou R.
Mais cette victoire du transporteur historique n’a rien d’un retour au statu quo. Bien au contraire. Le contrat envisagé prévoit des améliorations notables, notamment une augmentation des fréquences le week-end à partir de décembre 2025. De quoi répondre à l’évolution des usages et des attentes d’une population francilienne toujours plus mobile, y compris hors des horaires de bureau.
Du côté des associations d’usagers, c’est un soupir de soulagement. La perspective d’une cohabitation de multiples opérateurs, avec des logiques d’exploitation et des référentiels différents, avait nourri une certaine appréhension. La continuité du service, la lisibilité de l’offre, la simplicité des correspondances sont autant d’éléments que l’on craint de voir mis à mal dans un univers fragmenté. En confirmant la SNCF comme opérateur, IDFM opte pour une forme de prudence éclairée : tester la concurrence, oui, mais sans bouleverser l’équilibre du quotidien.
Cette désignation marque donc un tournant, non pas par la rupture qu’elle incarne, mais par la manière dont elle inaugure un nouveau chapitre de régulation. L’ouverture à la concurrence ne se fera pas contre l’opérateur historique, mais avec lui – à condition qu’il sache se montrer à la hauteur des nouvelles exigences contractuelles. Dans cette bataille feutrée mais capitale, la ligne L n’a pas livré que ses horaires : elle a aussi dessiné les contours d’une nouvelle donne ferroviaire.
Pierre lancien