Les SERM ne sont pas des projets d’infrastructure, mais des projets de services. Pour David Valence, président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), c’est le S qui compte. La signification et la portée symbolique du sigle a été largement commentée lundi 16 octobre à l’occasion du colloque organisé au Sénat à l’invitation de Jacques Fernique, élu écologiste du Bas-Rhin. Après avoir été examiné au Palais Bourbon, le projet de loi déposé en juillet par Jean-Marc Zulesi, député LREM des Bouches-du-Rhône et président de la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale, arrive au Sénat le 18 octobre. Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes Maritimes, a insisté sur la qualité du travail transpartisan mené sur le sujet. Quelle que soit leur sensibilité politique, l’ensemble des élus sont convaincus de la nécessité de réaliser ce choc d’offre, cette «déferlante qui doit permettre de désenclaver les territoires ruraux et périurbains d’ici à 2030», reprend Jacques Fernique.
Mais comment avancer sur les projets? Le chef de l’Etat, dans son intervention de fin septembre, a mentionné 13 RER métropolitains, et une enveloppe de 700 M€… Or, SNCF Réseau avait identifié 27 étoiles ferroviaires dans son rapport remis en octobre 2020 au ministre des Transports. Et le COI avait évalué à 10 Md€ le besoin de financement. Au bout du compte, la mise en œuvre des SERM pourrait bien faire une foule de déçus. Une fois adoptée, la loi doit aboutir à une sorte de labellisation des projets. Pour être éligibles, et donc finançables, les SRM devront donc satisfaire un certain nombre de conditions. La première d’entre elles étant la concertation entre les différents acteurs impliqués, donc l’accord entre les collectivités impliquées Région, métropole, et intercos. Sans surprise, les deux projets les plus avancés, à Strasbourg et Bordeaux, ont d’ailleurs été impulsés grâce au volontarisme des élus locaux. La situation n’est pas la même dans toutes les grandes métropoles, à commencer par Lyon.
Le préalable de l’unité locale n’est donc pas forcément le plus simple à obtenir. Mais la grande question reste celle des financements, pour les investissements mais aussi pour le fonctionnement. Sur ce point, reconnaît Jean-Marc Zulesi, «les enjeux qui n’ont pas été entièrement traités dans le projet de loi seront abordés dans le débat sur la loi de Finances 2024». Les amendements présentés par les députés écologistes et la gauche concernant le déplafonnement du VM ont été rejetés, rappelle Christine Arrighi, députée écologiste de Haute-Garonne. Les sénateurs ont repris le flambeau, dénonçant au passage «la règle d’or qui s’impose à SNCF Réseau» et le contrat de performance qui bride sa capacité à investir, souligne Olivier Jacquin, sénateur socialiste de Meurthe-et-Moselle. Le VM n’est d’ailleurs pas la seule piste, et les élus font assaut de créativité pour taxer l’aérien ou les concessions autoroutières. Certains, à l’instar de Philippe Tabarot, préfèrent éviter de nouvelles ponctions et mieux flécher les ressources existantes. «L’Etat prélève 60 Md€ par an sur les mobilités. On peut envisager que cet argent serve davantage aux projets de mobilité.» La part de TICPE constitué par la Contribution Climat Energie pourrait par exemple être consacrée aux mobilités décarbonées.
L’apport de la SGP en matière d’ingénierie financière permettra-t-il de débloquer les choses ? Les recettes appliquées en Ile-de-France (taxe sur les bureaux) sont-elles transposables à l’ensemble des territoires périurbains ? Les intervenants préfèrent mettre l’accent sur le rôle que la future Société des grands projets (qui doit abandonner son ADN parisien) va jouer pour challenger SNCF Réseau en matière d’ingénierie. Ils insistent aussi sur le caractère multimodal des SERM. «Pas de SERM sans cars express, covoiturage ou plan vélo», précise Alain Jund, vice-président de la Métropole européenne de Strasbourg. Idem à Bordeaux, où une 2e ligne routière vers Blaye va être mise en service début 2024, trois ans après la desserte de Créon en car express. Même avec des financements pour les SERM, il restera impossible de faire circuler des trains partout. Comme l’a rappelé David Valence, les SERM doivent traduire l’évolution des besoins de mobilité depuis l’étoile de Legrand, qui a consacré au 19e siècle le principe d’un réseau ferroviaire centré sur Paris. En reflétant la France d’aujourd’hui: décentralisée, multipolaire et multimodale.
Sandrine Garnier