Entre l’ancienne et la nouvelle SNCF, il n’y a pas photo
C’est qui le patron… pour quelques mois encore ? On croyait déjà acquise la décision de SNCF Voyageurs de déployer ses TGV Ouigo en Italie, mais Jean-Pierre Farandou le PDG de la holding SNCF a rappelé comment fonctionne le groupe ferroviaire, organisé non plus en EPIC mais en SA depuis qu’il en a pris la tête en 2019. Aujourd’hui, la distinction des responsabilités est beaucoup plus nette.
« C’est la différence entre SNCF Voyageurs et l’actionnaire qui gère les actifs. Voyageurs a envie d’y aller mais c’est à nous d’évaluer la rémunération du capital engagé » a-t-il précisé à l’occasion de la présentation le 27 février des bons résultats réalisés par le groupe en 2024 : 43,8 milliards d’euros de chiffres d’affaires (+4,8%), 1,6 milliard de bénéfices et de cash-flow libre, le tout en ayant réalisé 10,8 milliards d’investissements et stabilisé la dette (24,8 milliards)
« Les TGV m que nous allons recevoir sont capables de circuler en Italie mais, nous regardons, ce n’est pas sûr qu’on y aille. Cela n’aurait aucun sens d’aller à l’étranger si on perd de l’argent. Mobiliser 16 rames, c’est engager 500 millions d’euros de capital » prévient Jean-Pierre Farandou avec en tête le modèle de « Ouigo Espagne qui permet de faire remonter de l’argent dans le groupe ». Autrement dit, ce n’est pas gagné. On peut y voir une incitation donnée au PDG de SNCF Voyageurs Christophe Fanichet afin qu’il retravaille sa copie.
Il est vrai que la situation est différente de celle du marché espagnol qui était quasiment vierge de toute concurrence quand la SNCF a débarqué. Les rails italiens sont déjà bien occupés : Trenitalia, l’opérateur historique se partage le marché avec l’entreprise ferroviaire privée Italo, solidement implantée en depuis près de 20 ans.
Au-delà, il est vrai aussi que la SNCF est limitée dans ses développements, pénalisée par l’incapacité d’Alstom à livrer son nouveau train qui aurait dû être là pour les JO et qui arrivera peut-être en 2026.
Alors qu’il s’apprête à quitter ses fonctions durant ce printemps en raison de la limite d’âge, le patron des cheminots dresse un bilan positif de son action. Elle a consisté à régler l’horlogerie de la nouvelle SNCF créée par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018.
Avec quatre résultats annuels bénéficiaires successifs, Jean-Pierre Farandou a éloigné tous les grains de sable qui auraient pu dérégler le mécanisme. « Le groupe a enclenché le cercle vertueux de la croissance rentable » se félicite-t-il. Il ressort que l’équilibre financier dépend largement des activités que le groupe a fait croitre de façon rentable hors de son périmètre ferroviaire.
Privé de son « poumon » Geodis (11,2 milliards d’euros de CA et 1,2 milliard d’Editda ) il en aurait été autrement. – Jean-Pierre Farandou a du batailler contre les injonctions de vente venant de Bercy. Avec les autres activités conventionnées (Keolis, TER, Transilien) et son activité TGV qui a su croitre malgré un parc limité, le groupe a gagné suffisamment pour en consacrer une part à SNCF Réseau (3,2 milliards dont 1,7 milliards via le fonds de concours). Reste que le réseau continue à se dégrader et dépend des efforts financiers de l’Etat et des collectivités.
Bref, sur le papier, les clignotants de la nouvelle SNCF sont au vert – chez Gares et Connexions et dans les activités ferroviaires de marchandises aussi – mais le futur ex-patron de la SNCF prévient l’Etat actionnaire : « La qualité de service de demain c’est l’investissement d’aujourd’hui ».
Marc Fressoz