« C’est la fête pour les fonds d’investissement, les banques, les géants du BTP. Ils sont tout excités car l’Etat leur rouvre la porte ». Ce responsable du projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse Bordeaux-Bayonne (nom officiel : GPSO) résume à merveille l’ambiance actuelle.
Devant l’ampleur de la dette publique et celle des besoins en matière d’infrastructures de transport, l’Etat est prêt à relancer les fameux partenariats publics privés (PPP), ces formes de contrat de concession très en vogue sous le quinquennat Sarkozy qui ont abouti aux lignes Tours-Bordeaux, Le Mans-Rennes.
« Il s’agit d’augmenter la part du financement privé dans nos infrastructures » justifie le ministre des finances Éric Lombard. Et de faire en sorte que « les euros publics investis ne viennent pas à la place mais en complément des euros privés investis » complète Amélie de Montchalin la ministre des comptes publics.
Le 12 juin à Bercy, les deux ministres qui tiennent le porte-monnaie de l’Etat avaient convié une foultitude de porte-drapeau de ce secteur (Méridiam, Natixis, IFM, Ardian, Liséa, Vinci, Vauban, IGDD etc.) que le ministre des transports Philippe Tabarot a salué comme « autant d’acteurs dont l’implication sera croissante dans les projets d’infrastructures de transport de demain ».
Les réflexions sont déjà très abouties. « On pourrait imaginer de confier la réalisation de l’un des quatre tronçons du GPSO en PPP, cette idée commence à être dans la tête de tout le monde » avance Dominique Bussereau, le président d’Ambitions France transport, cette conférence de financement dont les propositions seront remises à Matignon e juillet.
Il est vrai que ce projet, déraisonnable pour beaucoup, est en panne de carburant à l’approche des choses sérieuses. L’Etat se fait tirer les oreilles pour verser sa part, alors que le gestionnaire du projet compte lancer dans quelques mois l’appel d’offre pour l’attribution des marchés de conception-réalisation des quatre tronçons.
Dominique Bussereau voit d’autres terrains de jeu ferroviaires pour le PPP. « Ils pourraient permettre à SNCF Réseau de réaliser certains équipements comme l’ERTMS, ou pourquoi les poste de commandes centralisés où la France est très en retard » explique cet ancien ministre qui cite aussi l’exemple reproductible l’entrepôt de maintenance de trains que Liséa, le gestionnaire privé de la ligne Tours-Bordeaux, va construire « pour développer son trafic ».
Inutile de dire que ce PPP ferroviaire a été célébré sur scène comme un modèle à suivre (temps de réalisation, budget maîtrisé, innovation etc.). Seul un syndicaliste de la SNCF, Éric Meyer (Sud rail) est venu rappeler depuis la salle la crise sur les péages. Tout le monde convient que les défauts devront des premiers PPP devront être corrigé, les contrats mieux définis et les mauvais projets annulés.
A l’évidence, avec le déclin de la Macronie, la droite à travers plusieurs personnalités (comme Philippe Tabarot, Anne-Marie Idrac, Dominique Bussereau etc) a réinvesti le ministère des transports avec ses solutions. Et il ne s’agit plus de tergiverser. « Les projets de LGV en PPP ont été bien menés ».
Dans le secteur routier, les investisseurs privés sont à la parade car les besoins sont considérables (maintenance, adaptation climatique, électrifications, nouveaux usages) et le principe des concessions payantes sera maintenue à l’avenir. La durée des futurs contrats à attribuer dans les prochaines années sera sans doute raccourcie (autour de 30 ans) et leurs contours revus.
L’optique est d’intégrer dans les concessions des tronçons de routes nationales ou départementales que la puissance publique ne peut plus prendre en charge. Femme très influente dans le secteur, Anne-Marie Idrac avec sa casquette de présidente de la SANEF appuie cette idée et n’hésite pas à flatter l’Etat concédant pour la qualité de la relation entretenue avec la société concessionnaire. Rappelons que la concession de Sanef qui prend fin en 2031 sera bientôt remise en jeu.
Les autoroutes françaises continueront à coup sûr d’être très convoitées et servir de débouchés à l’argent privé. « Sur 60 milliards d’euros d’obligation investis dans les autoroutes en Europe, 40 milliards le sont en France » un responsable de Natixis Alain Gallois.
On se bouscule déjà au portillon, ce qui a donné lieu à une séquence amusante lorsqu’un sur scène un dirigeant européen d’IFM un géant de la gestion de fonds de pensions australiens (actionnaire d’APRR), Guillaume Camus s’est laissé débordé par son appétit Parlant tout doucement au début, égrenant quelques chiffres impressionnants sur la puissance du groupe, il ensuite entamé seul un semblant de négociations avec l’Etat en lui fixant ses conditions. L’animateur a eu du mal à le refreiner pour qu’il laisse la parole à ses petits camarades.
Marc Fressoz