La Loi d’orientation des mobilités (LOM) : Tout ça pour quoi ?

07 05 2025 | Actualités

Recherche de financement des infrastructures, avenir des Zones à faibles émissions (ZFE), sort du vélo et du covoiturage, versement mobilité régional etc… : ces sujets d’importance censés avoir été réglés lors du premier quinquennat Macron refleurissent avec le printemps. Ce constat est l’occasion de s’interroger sur le vrai bilan d’une loi-monument, la LOM, qui était censée offrir des solutions durables.

Après cinq ans d’existence, que reste-t-il de la Loi d’orientation des mobilités ? Promulguée le 24 décembre 2019, elle a été présentée à l’époque comme une loi structurante pour les transports comme la fut la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) votée en 1982.  Lancée dès le début du quinquennat d’Emmanuel Macron en 2017 avec des objectifs assez bien définis : fractures territoriales et zones « blanches de mobilité, transition énergétique, innovation, réorientation de la politique d’infrastructures… Mais, elle a vite perdu sa cible et sa cohérence d’abord, dans un interminable processus techno-administratif et parlementaire, puis télescopé par la crise des gilets jaunes, grande crise la mobilité, à laquelle la LOM était censée répondre.

Une fois votée, une autre grande crise de la mobilité ou de l’absence de mobilité , celle du Covid, a retardé sa mise en application, certains secteurs comme les transports publics par exemple venant tout juste de s’en relever. Loi maudite ou mal calibrée ? Incapacité des acteurs à s’accorder pour traiter collectivement ces sujets ? Une loi-cadre brassant large était-il le bon outil pour traiter de ces questions ?

Un processus de construction laborieux

Précédé par l’exercice classique de concertation baptisé « Assises de la mobilité » mené au pas de course durant l’automne 2017, le processus d’élaboration de la loi pouvait commencer. Il aura duré plus de deux ans. Le principe de la loi « monument » n’aura pas tenu bien longtemps. Contre la volonté de la ministre des Transports Elisabeth Borne, l’Icerberg ferroviaire s’est vite détaché, le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été traité à part, en parallèle et de façon efficace. Piloté par l’ambitieux Jean-Baptiste Djebbari qui succédera à Elisabeth Borne sans toutefois avoir totalement la main sur la LOM dans sa phase finale. Premier recul, la LOM n’aura donc pas traité du ferroviaire qui quand même structure les mobilités du quotidien.

Deuxième difficulté, un copilotage houleux et des relations exécrables entre le cabinet d’Edouard Philippe, et Elisabeth Borne. Vexée qu’on lui ait retiré le ferroviaire, cette dernière a engagé la construction du texte sur un périmètre étendu de 200 articles façon « loi chef de bureau » alors que Matignon voulait s’en tenir à un format réduit de 40 articles. Pendant des mois, le texte a fondu puis grossi de plusieurs dizaines d’articles sous l’effet des lobbys et groupes d’intérêts qui ont généralement un rôle inflationniste en la matière. Au final 189 articles et son cortège de décrets, arrêtés ou rapports, un corpus de 200 textes d’application qui seront d’ailleurs modifiés par d’autres textes, la loi Climat et résilience par exemple, de quoi donner du travail pendant des années à tout l’écosystème de la mobilité.

Le vélo et le covoiturage les grands gagnants ?

Le ferroviaire à part, le transport de marchandises oublié, la question du financement esquissée et rajoutée en annexe de la loi, à qui cette loi a-t-elle bien pu profiter ?

Peut-être aux groupes d’intérêts les plus malins et ceux qui ont su trouver une écoute favorable auprès d’Elisabeth Borne. Ce fut le cas de l’omniprésent Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la Bicyclette (FUB) qui avec talent et perspicacité a réussi à mettre le vélo en selle, obtenir des financements conséquents (plan vélo, fiches et programmes CEE) jusqu’à une prime pour aller faire réparer son vélo… Le « quoi qu’il en coûte » avant l’heure finalement.

Autre Lobbyiste influent, Frédéric Mazzella, fondateur de Blablacar qui comme Olivier Schneider a « braqué « la caisse de manière spectaculaire au grand dam d’autres modes qui voyait la manne leur échapper.

Pour quel résultat au final ? Si le vélo a incontestablement gagné une bataille culturelle dans les grands centres urbains et de manière significative grâce, au COVID notamment et aux incitations, sa part modale n’atteindra pas et de loin, les objectifs souhaités- 9% en 2024 contre à peine 3% aujourd’hui. Les ventes de vélo dégringolent, moins 12 % en un an, et la baisse des dotations bloquent les investissements des collectivités locales. Pour le covoiturage idem, sans soutien public ou dispositifs CEE qui vont s’arrêter, le covoiturage va-t-il retomber dans sa niche relativement marginale?  S’appuyer principalement sur le vélo et le covoiturage pour révolutionner les mobilités, était-ce un bon pari ou était-ce finalement par facilité ou par défaut ?

Le pari raté de la Gouvernance

Pourtant placée dans le titre 1 la question centrale de la gouvernance, celle de la mobilité du quotidien,  a-t-elle ouvert plus de problèmes qu’elle n’en n’a résolus ? La LOM très polarisée sur une vison binaire entre le rural et l’urbain a considéré qu’en donnant la compétence mobilité aux territoires peu denses, le problème serait réglé. Assorti d’un invraisemblable dispositif de prise de compétence par délégation de la Région et sans financement, le MEDEF s’étant occupé du sort du Versement mobilité prévu à cet effet, le sujet de la gouvernance est devenu caduc et selon le CEREMA seule la moitié des intercommunalités ont pris la compétence. Pis, ce bricolage institutionnel a considérablement envenimé les relations entre les niveaux de collectivités comme l’a montré l’épisode récent du Versement mobilité régional pour lequel le GART, l’organisation des élus en charge de ces questions a bien du mal à recoller les morceaux.

Le nouveau jargon des mobilités

S’il y a bien un domaine où les choses ont bougé, c’est celui de la sémantique. Fini l’utilisation du vocable transport jugé trop ringard, le nouveau catéchisme linguistique déferlait dans une France de 2017 qui se pensait moderne. Evidemment la start-up nation a engendré une ribambelle de starts-up – pour beaucoup éphémères -dans le domaine de la mobilité avec des terminologies en anglais pour faire encore plus dans le coup. Il fallait, pour être “ hype «, parler de mobilité active, partagée, inclusive ou décarbonée. Le ministère s’est même essayé à un French Mobility vite renommé France Mobilité mais a ajouté mobilité dans l’acronyme DGITM. Fin du fin, le Versement transport est devenu versement mobilité…Aujourd’hui, on est revenu à Ambition France…transports, une terminologie à l’ancienne.

La question centrale du financement et du modèle économique tout juste esquissées

Si la question du modèle économique n’a pas été vraiment traitée, – d’où la séance de rattrapage que pourrait constituer Ambition France Transports – la question du financement des infrastructures a quant à elle été esquissée avec quelques avancées méthodologiques intéressantes. Avec la Création du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), taillé sur mesure pour le secteur des travaux publics, il s’agissait de prioriser dans le temps et par mode les projets à financer. Ce travail a aussi permis de flécher de la ressource, la TICPE qui est devenue la première ressource de l’AFIFT. Mais aujourd’hui patatra ! l’AFIFT est menacée de disparition, le COI bien que renouvelé récemment l’est aussi . Depuis la loi de finances 2024, des crédits ont été annulés et les ressources fiscales ont été également rabotées. La tentative de construire un modèle de financement des infrastructures n’aura tenu finalement que peu de temps jusqu’au lancement d’Ambition France Transports et son cortège d’espoirs et d’attentes. Cette fois-ci, tout le monde lorgne sur la manne de la fin des concessions autoroutières entre…2031 et 2036, une manière peut-être de gagner quelques années pour les tenant d’une ligne budgétaire stricte.

La LOM a-t-elle au final fait avancer les choses ?

C’est une question légitime et même la Cour des comptes va tenter d’y voir clair dans les prochains mois par un rapport faisant le bilan complet de la loi . La LOM n’a pas échappé au défaut majeur qu’a la loi française, celle d’embrasser large sous la pression des groupes d’intérêts, du politique et de son administration qui veulent exister à travers elle et de prétendre tout régler . Le résultat est parfois terrible et absurde en complexifiant et en augmentant le corpus normatif à rebours de la volonté constamment proclamée de simplification. Un conseiller ministériel de l’époque se faisait la réflexion suivante ; « Et si finalement, on avait fait tout ça pour occuper le petit monde du transport pendant un quinquennat et lui permettre d’exister à travers ça ? » . Eclair de lucidité ou cynisme politique. On verra si le cycle Ambition France Transports, certes plus court, mais à l’horizon aussi lointain nous prouve le contraire.

 François Remoué
 Essayiste, spécialiste des politiques de transport

 

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