Huit ans après son inauguration, la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA) s’impose comme un axe structurant du rail français et européen, conjuguant innovation, performance et mobilité durable. Un succès indéniable, mais qui atteint aujourd’hui ses limites face à une demande toujours plus forte. Conscient de ces enjeux, LISEA, concessionnaire de la ligne, a réuni le 25 mars 2025 au Palais de la Bourse à Bordeaux un parterre de décideurs économiques, d’élus, d’experts et de représentants institutionnels pour une journée d’échanges sur l’avenir de cet axe stratégique. Car si la SNCF s’apprête à densifier son offre, elle devra bientôt composer avec une concurrence de plus en plus pressante. Avec l’arrivée imminente de nouveaux opérateurs, notamment la start-up Proxima en 2028, la LGV Paris-Bordeaux devient le prochain terrain de jeu des rivalités ferroviaires.
Depuis son inauguration en juillet 2017, la ligne à grande vitesse (LGV) Paris-Bordeaux a transformé le paysage ferroviaire français en reliant la capitale à Bordeaux en seulement 2 heures et 4 minutes. Avec plus de 140 millions de voyageurs transportés, elle est devenue la deuxième LGV la plus fréquentée après Paris-Lyon.
Cette réussite s’accompagne de défis, notamment une demande excédant l’offre actuelle. Selon Lionel Epely, président de Lisea, le gestionnaire de la LGV, environ deux millions de voyageurs annuels ne trouvent pas de place disponible sur l’axe Paris-Bordeaux. Christian Broucaret, président de la Fnaut Nouvelle-Aquitaine, confirme ce constat en indiquant un manque de 10 à 15 % de places par rapport à la demande. François Perrin, président du Medef régional, souligne que « la LGV est victime de son succès ».
Face à cette situation, la SNCF prévoit d’ajouter 1,5 million de sièges supplémentaires par an à partir de fin 2025 grâce à des rames plus capacitaires.
Lisea, détenue par Vinci Concessions, Meridiam et la Caisse des Dépôts, souhaite encourager l’arrivée de nouveaux opérateurs sur la ligne. Pour ce faire, elle a lancé la construction d’un site de maintenance et de remisage au sud de Bordeaux, prévu pour être opérationnel en 2028. Ce centre vise à lever un obstacle majeur pour les nouveaux entrants en leur offrant des infrastructures adaptées. Anne-Cécile Delbes, directrice juridique de Trenitalia France, estime que « ce site de maintenance lève un frein évident ».
Parmi les candidats à l’exploitation de la LGV Paris-Bordeaux, la start-up Proxima se distingue. Fondée par Rachel Picard et financée à hauteur d’un milliard d’euros par Antin Infrastructure Partners, Proxima a commandé douze rames Avelia Horizon à Alstom pour un montant de 850 millions d’euros. L’entreprise prévoit de proposer dix millions de places depuis Paris vers Rennes, Nantes-Angers et Bordeaux, avec un positionnement complémentaire à celui de la SNCF. Rachel Picard mise sur « l’expérience voyageur avant, après et pendant le trajet grâce à des trains connectés conçus pour cela ».
L’arrivée de nouveaux opérateurs pourrait intensifier la concurrence tarifaire. Franck Dubourdieu, directeur TGV Atlantique chez SNCF Voyageurs, reconnaît que « oui, il y aura une attaque sur les prix pendant un temps, mais ensuite les nouveaux opérateurs auront les mêmes coûts industriels et donc les mêmes tarifs que nous ». L’économiste Alain Bonnafous souligne que la concurrence a bénéficié aux usagers sur d’autres axes, avec une augmentation de l’offre et une baisse des tarifs. Kristian Schmidt, directeur général de la mobilité à la Commission européenne, affirme que « la concurrence ça fonctionne ! Pas pour faire plaisir à la Commission européenne mais au bénéfice des usagers ».
La mise en service du site de maintenance de Lisea en 2028 devrait faciliter l’entrée de nouveaux opérateurs sur la LGV Paris-Bordeaux. Cette ouverture à la concurrence pourrait entraîner une diversification de l’offre, une amélioration des services et une possible baisse des tarifs pour les voyageurs. Toutefois, la SNCF entend conserver sa position dominante en augmentant sa capacité et en améliorant ses services. L’évolution du marché ferroviaire sur cet axe sera donc à suivre de près dans les années à venir…
Pierre Lancien