Edouard-Parant
Édouard Parant
Coordinateur national des SERM à la DGITM

« Les SERM portent la promesse d’un report modal massif vers les transports collectifs et les mobilités actives »

Destinés à améliorer la desserte des zones périurbaines, tout en réduisant l’usage individuel de la voiture, les services express régionaux métropolitains (SERM) ont pour ambition de servir la transition écologique et le désenclavement des territoires. Articulés autour d’une ossature ferroviaire, qui en constitue le pilier, il s’agit de services multimodaux  (train, cars express, lignes de covoiturage, transports urbains, modes actifs, voire transport fluvial) qui proposent des solutions de transport capacitaires et fréquentes ainsi que des correspondances fluides entre les différents modes pour simplifier les voyages. Le tout sur des périmètres dépassant largement les limites administratives des métropoles. À ce jour, 26 projets de SERM ont été labellisés par l’État marquant ainsi une première étape dans la concrétisation de la démarche.

Mobily-Cités : Services express régionaux métropolitains : un an après la loi, où en est-on ?

Edouard Parent : Le 27 décembre 2023, la loi relative aux services express régionaux métropolitains (SERM) entrait en vigueur. Elle visait à structurer une offre de mobilités massifiées, notamment ferroviaires, dans les aires d’influence des grandes agglomérations. Un an plus tard, 26 projets sont labellisés, et la dynamique territoriale semble s’amplifier. Le point avec Édouard Parant, coordinateur national des SERM à la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).

 

Un an après la promulgation de la loi, 26 projets ont déjà été labellisés. Vous attendiez-vous à une telle dynamique ?

Oui, cet engouement confirme la pertinence de la démarche. L’article 1er de la loi fixait l’objectif d’au moins dix SERM dans un délai de dix ans. Aujourd’hui, ce sont 26 projets qui ont été labellisés dans les 11 régions métropolitaines, et nous attendons une trentaine de projets à court terme. Cela s’explique notamment par le cadre souple de la loi, qui permet aux territoires de concevoir des projets « pour et par eux-mêmes », en réponse à leurs besoins spécifiques de mobilité quotidienne.

Justice sociale, transition écologique, équité territoriale : trois piliers pour refonder les mobilités du quotidien

Derrière l’acronyme technocratique de SERM se cache une ambition profondément humaine et territoriale. Ces services express régionaux métropolitains ne sont pas de simples infrastructures ferroviaires, mais des leviers pour transformer les mobilités du quotidien à la racine.

Le premier enjeu est social. Aujourd’hui, près de 15 millions de Français vivent en situation de précarité de mobilité, dépendants de leur voiture ou isolés chez eux faute d’alternative. Leur redonner le pouvoir de se déplacer librement, c’est restaurer un droit fondamental et lutter contre les inégalités territoriales qui minent la cohésion nationale.

Vient ensuite le défi écologique. Dans un pays où les trajets domicile-travail constituent une part significative des émissions de gaz à effet de serre, les SERM portent la promesse d’un report modal massif vers les transports collectifs et les mobilités actives. Cadencés, connectés, fiables, ils dessinent les contours d’un futur soutenable, où la mobilité n’est plus synonyme de pollution.

Enfin, il y a l’équité des territoires. Les SERM ambitionnent de reconstruire un maillage équilibré, reliant les centres urbains aux villes moyennes et aux périphéries. Ils esquissent une nouvelle géographie des déplacements, où les logiques de centralité cèdent la place à une vision polycentrique, plus juste, plus fluide, plus humaine.

Ainsi, justice, écologie et équité ne sont pas trois cases à cocher, mais les fondements d’un projet qui réconcilie l’urgence du présent avec les exigences de demain.

 

De nombreux territoires ont lancé des études de préfiguration. Quel est leur rôle ?

Ces études sont essentielles. Elles permettent de définir, de manière coconstruite avec les autorités organisatrices de la mobilité et les régions, la feuille de route du SERM : objectifs climatiques et d’aménagement, offre de services cible, phasage des investissements, gouvernance locale, périmètres d’intervention, et bien sûr, financement.

L’État accompagne cette phase à hauteur de 50 %, soit 17 M€ déjà engagés. Les régions, les métropoles, et parfois les départements ou les EPCI complètent le tour de table. Les CPER 2023-2027 prévoient 2,7 Md€ d’investissements, dont 891 M€ de part État, ce qui permet d’engager études et premiers travaux, comme à Bordeaux et Strasbourg.

 

Quel est l’intérêt d’obtenir le statut SERM une fois le projet labellisé ?

Ce statut ouvre la voie à une loi d’accélération, en s’inspirant du modèle du Grand Paris Express. Il permet de mobiliser l’expertise de la Société des grands projets (ex-Société du Grand Paris), pour la conception, le pilotage, voire la maîtrise d’ouvrage d’infrastructures stratégiques comme de nouvelles gares ou lignes.

Il facilite aussi les montages financiers robustes, via l’emprunt adossé à des recettes fiscales dédiées, et une coordination efficace entre les acteurs du projet. À ce jour, 14 territoires ont déjà demandé à en bénéficier.

 

Certaines métropoles, comme Strasbourg ou Bordeaux, ont été précurseurs. En quoi ces expériences locales sont-elles utiles ?

Ces pionniers ont montré que des solutions concrètes pouvaient être mises en œuvre rapidement, sans attendre de grands travaux. Billetique interopérable, tarification combinée TER/réseaux urbains, renforcement de l’offre : ces premières réponses opérationnelles sont perçues très positivement par les usagers. Elles renforcent la crédibilité de l’action publique et enclenchent un cercle vertueux vers le report modal.

 

En quoi cette dynamique nationale est-elle structurante à vos yeux ?

Ce qui se joue avec les SERM dépasse largement le simple développement d’une nouvelle offre de transport. C’est toute une architecture des mobilités qui se redessine, dans le temps long, avec pour horizon une transformation durable, et pour boussole, des résultats tangibles dès les premiers déploiements. La dynamique nationale est structurante parce qu’elle mobilise l’ensemble des maillons de la chaîne de la mobilité – de l’ingénierie à la gouvernance, du financement à l’exploitation – autour d’une vision partagée. Elle engage aussi une nouvelle méthode, plus mature, fondée sur la coopération.

D’abord entre l’État et les territoires, dans l’esprit de la nouvelle gouvernance prônée par le Premier ministre. Ensuite entre régions et métropoles, qui sont appelées à conjuguer leurs forces plutôt qu’à additionner leurs stratégies. Enfin, entre les métropoles et les intercommunalités voisines, afin que les grands projets de mobilité ne s’arrêtent pas aux limites administratives, mais répondent aux vrais bassins de vie.

Au cœur de cette dynamique, une gouvernance dédiée, coconstruite, capable de relier urbanisme et mobilité. C’est là que se joue la densification autour des pôles d’échange, la lutte contre l’étalement urbain, et l’attractivité renouvelée des territoires.

Et si le temps ferroviaire est long, les territoires peuvent dès aujourd’hui s’appuyer sur des solutions agiles et complémentaires : cars express, lignes de covoiturage structurées, services partagés. Des réponses rapides, qui préfigurent les systèmes intégrés de demain. La mobilité s’invente ici comme un tout cohérent, entre ambition et pragmatisme, entre grands projets et actions immédiates.

Propos recueillis par Pierre Lancien

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