Lundi, la Première ministre, Elisabeth Borne, décline les grandes orientations en matière de transition écologique, le jour même où un rapport de France Stratégie présente les « Incidences économiques de l’action pour le climat ». Mercredi, les secteurs de l’automobile et des véhicules lourds remettent au Gouvernement leur propositions pour établir la feuille de route de décarbonation de leur secteur. Les représentants des filières se sont rendus au ministère de la Transition écologique, où ils ont été reçus par le ministre Christophe Béchu, accompagné d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et de Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports. Ces éléments doivent permettre de construire un Plan global, présenté cet été, à partir duquel seront déterminées les orientations budgétaires incluses dans la loi de programmation Energie Climat que la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, doit présenter à l’automne. Tout le monde a suivi? Le transport, qui représente environ 30% des émissions de gaz à effet de serre, doit donc massivement s’électrifier (pour ce qui concerne les véhicules particuliers) ou verdir son mix énergétique (pour ce qui est des véhicules lourds). Les objectifs de neutralité carbone pourront également être atteints par une évolution des usages (covoiturage par exemple). Jusqu’ici, rien de bien nouveau.
Pour les véhicules lourds, les feuilles de route chiffrent aussi les besoins de financement liés à la conversion des véhicules et aux adaptations nécessaires dans les infrastructures d’avitaillement et les dépôts: 3 Md€ pour les autocars, et 53 Md€ pour le transport de marchandises. Les professionnels ont rappelé aux ministres présents l’ampleur des besoins, et la nécessité d’intensifier les mesures d’accompagnement. Anne-Marie Idrac, présidente de l’association France logistique, a souligné que 600.000 camions sont en circulation dans notre pays. Une flotte qui se renouvelle au rythme de 5.000 immatriculations annuelles, à comparer aux quelques centaines de poids lourds concernés par les appels à projet. Une portion encore plus réduite de ces financements concerne les autocars: 5 M€ dans le dernier appel à projet, ce qui représente de quoi financer une cinquantaine de véhicules, a précisé Ingrid Mareschal, secrétaire générale de la FNTV. Quant aux capacités de production des industriels, et de préférence des industriels européens, elles font aussi partie de l’équation. Autre sujet d’interrogation : le déploiement des zones à faible émission, qui concerne aussi bien les véhicules lourds que les particuliers: l’harmonisation des règlementations est en réflexion, mais du côté des aides à la conversion, on retombe rapidement dans les appels à l’argent public. Les véhicules Crit’Air 3 et 4 représentent 40% du parc automobile, a précisé Xavier Horent, délégué général de Mobilians. Pour lui, la réussite de la transition écologique est conditionnée à l’adhésion de l’opinion. Et donc au coût de la conversion pour les ménages.
Faudra-t-il, comme l’a suggéré Jean Pisani-Ferry, taxer les plus riches pour dégager des ressources dédiées à la transition écologique? Le rapport intitulé «Incidences économiques de l’action pour le climat», dont il est co-auteur Selma Mahfouz, pointe que «compte tenu des dépenses nouvelles comme de la baisse temporaire des recettes liée au ralentissement de la croissance potentielle, le risque sur la dette publique est de l’ordre de 10 points de PIB en 2030, 15 points en 2035, 25 points en 2040, même s’il est supposé que la baisse des recettes assises sur l’énergie est compensée afin de maintenir le taux de prélèvements obligatoires constant». Voilà de quoi animer les arbitrages budgétaires à venir.
Sandrine Garnier