Catherine-PILA
Catherine Pila
Présidente d’AGIR Transport, vice-présidente de la Métropole d’Aix-Marseille

« 27,5 % de la population est desservie par un réseau urbain géré par un opérateur interne »

S’exprimant avec sa casquette d’AGIR Transport, la présidente de la RTM (Régie des transports métropolitains) explique pourquoi ces dernières vingt-cinq années, des élus d’agglomérations parfois importantes ont abandonné la DSP au profit de la gestion directe. L’actuelle crise des finances publiques pourrait donner une pertinence particulière à l’une de ses caractéristiques d’ordre économique. 

Mobily-Cités : Quelle est la tendance de ces dernières années concernant le nombre de collectivités passées à la gestion directe ou ayant fait le chemin inverse ?

Catherine Pila : En France, et à l’instar de ce que l’on peut constater dans le secteur de l’eau, il y a depuis quelques années une forte tendance à la « remunicipalisation » des services publics dans le domaine du transport et de la mobilité. En effet, entre 2005 et 2025, hormis le cas particulier de la Région Ile-de-France, la part de la population desservie par un réseau urbain de transport opéré par un opérateur interne est passée de 11,6% à 27,5%, soit une augmentation de 137%. Depuis 2005, ce sont 25 réseaux qui sont passés de la gestion déléguée à la gestion directe, dont récemment des grandes autorités organisatrices de la mobilité comme Avignon, Grenoble, Montpellier, Nice ou Strasbourg alors que dans ce laps de temps seuls 4 réseaux sont passés de la gestion directe à la gestion déléguée.

 

Quels sont les avantages et les inconvénients de la gestion en régie, SPL ou autres formules juridiques ?

Les élus locaux disposent de la liberté du choix du mode de gestion pour leurs services publics en ayant la possibilité de conserver la gestion en interne ou de le déléguer. Les différents outils à leur disposition leur permettent de s’adapter aux contextes locaux qui peuvent être très différents les uns des autres. C’est pourquoi, il n’y a pas de mode de gestion qui serait idéal pour toutes les collectivités car il s’agit d’un choix qui est fait pour répondre aux enjeux et aux contraintes propres à un territoire.

Quelles raisons qui poussent les collectivités à délaisser la délégation à un opérateur. Y a-t-il d’éventuels gains financiers au bout du compte ?

Des différentes enquêtes réalisées auprès des élus, nous avons constaté que le choix de la gestion directe pouvait résulter d’une plusieurs motivations : c’est en effet la maîtrise des coûts, grâce à une gestion transparente, sans actionnaires privés à rémunérer ni intérêts commerciaux à satisfaire. C’est aussi une volonté des autorités organisatrices de pouvoir s’appuyer sur un partenaire technique de confiance, complémentaire des services de la collectivité. Autre raison, la souplesse avec la possibilité de faire évoluer le réseau en fonction des projets sans être contraint par le cadre initial du contrat de DSP notamment le seuil des avenants limité à 10% par le code de la commande publique. A ces motivations s’ajoutent la volonté de créer une entreprise publique locale, ancrée dans le territoire de manière durable, proche des usagers mais aussi la possibilité d’agir sur le manque de concurrence sur un territoire. La collectivité créé un opérateur interne pour challenger la réponse d’un ou plusieurs candidats lors du renouvellement d’un contrat de DSP et lui confie l’exploitation si elle juge que l’offre du ou des candidats n’est pas satisfaisante. 

 

Quel rôle joue le groupement AGIR auprès des collectivités ?

Ces dernières années, l’association AGIR s’est beaucoup développée, elle compte désormais près de 600 adhérents. L’association propose à toutes les collectivités et aux entreprises indépendantes des groupes de transport, une expertise opérationnelle sur tous les sujets relatifs au transport public et plus largement à la mobilité. Cette expertise se matérialise à travers la mise à disposition d’une plate-forme de services :

  • L’assistance du quotidien avec le Service Questions / Réponses AGIR Formations, l’organisme de formation des adhérents d’AGIR avec 6 000 participants en 2024 ;
  • La Centrale d’Achat du Transport Public (CATP) qui est devenue le plus gros acheteur en matière de fournitures et de services liés à la mobilité ;
  • L’échange d’expériences avec l’organisation de groupes de travail métiers et thématiques.      

 Grâce à ces différents services, les collectivités et les entreprises indépendantes adhérents peuvent s’appuyer sur différentes expertises leur permettant d’être accompagnées aussi bien sur des problématiques du quotidien que dans des projets de mobilité structurants. 

 

Par temps de crise aiguë du financement public, y a-t-il un modèle meilleur que l‘autre ?

Encore une fois, il n’existe pas de modèle universellement meilleur, mais des avantages contextuels. On peut imaginer que dans une période de contraintes budgétaires, la régie ou la SPL pourraient être un meilleur modèle pour maîtriser les coûts car il n’y a pas de marges à reverser et que l’opérateur de confiance peut aider la collectivité à optimiser le réseau. Mais cela dépend également de la capacité de la collectivité à créer cet opérateur et à le contrôler dans la durée. 

Propos recueillis par Marc Fressoz

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