7,6 Md€ de chiffre d’affaires et 36.000 emplois directs, pour 4,5% des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation en France. Le secteur de l’aviation générale et d’affaires en a assez d’être caricaturé et présenté comme un jouet de luxe au mains de multimilliardaires capricieux et jaloux de leur intimité. Les membres de la Fédération nationale de l’aviation marchande (Fnam) ont donc décidé de mieux faire connaître leurs activités, en se basant sur une étude réalisée par le cabinet Arthur D. Little. Leur principal objectif étant de démontrer qu’ils n’ont absolument pas vocation à être taxés pour financer le développement du train, comme le souhaite le ministre des Transports, Clément Beaune. Alourdissement de la fiscalité des concessionnaires d’aéroport, mise en place d’une taxe sur le kérosène, augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA)… les pistes ne manquent pas, pour financer les 100 Md€ nécessaire au plan ferroviaire annoncé en février par la Première ministre, Elisabeth Borne. A l’heure des derniers préparatifs sur le projet de loi de finances 2024, les professionnels de l’aviation générale et de l’aviation d’affaires restent intraitables: la fiscalité écologique doit être fléchée vers la décarbonation de leur propre secteur. «Nous sommes opposés à toute fiscalité supplémentaire sur ce segment d’aviation alors qu’une taxation accrue a déjà été imposée dans la précédente loi de finances», martèle Pascal de Izaguirre, président de la Fnam. En effet, la TICPE s’applique désormais au kérosène pour l’aviation d’affaires.
Pour la Fnam, la polémique autour des «jets privés» repose sur des représentations erronées. Ces jets ne représentent d’ailleurs qu’une faible part de l’activité des quelque 500 adhérents de la fédération: environ 860 M€ sur les 7,6 Md€ réalisés en 2019. Le reste étant assuré par des entreprises aussi diverses que des fabricants d’avions et d’hélicoptères, des gestionnaires d’aéroports, des entreprises de maintenance, des sociétés spécialisées dans le travail aérien, l’aviation de service public et d’intérêt général (secours sanitaire, lutte anti-incendie, surveillance des réseaux), l’aviation sportive et de loisir, la formation… plus de 1.200 pilotes et plus de 400 techniciens y sont formés chaque année, au bénéfice du secteur aérien dans son ensemble.
Les jets privés ne génèrent qu’environ la moitié des émissions du secteur de l’aviation générale et d’affaires, souligne encore l’étude Arthur D. Little. De plus, le report d’une partie de la clientèle loisirs vers l’aviation privée constaté pendant la crise sanitaire est retombé avec la reprise des vols réguliers. Il n’en demeure pas moins que l’aviation d’affaires répond à des besoins réels et permet d’assurer des dessertes transversales dont ont besoin les milieux économiques. En outre, l’aviation générale et d’affaires est bien placée pour se décarboner. Avec des engins plus petits et plus légers et des trajets intermédiaires, elle est particulièrement bien adaptée au déploiement des avions électriques et utilise déjà largement les biocarburants. «Avec les vols zéro émission, l’aérien pourrait d’ailleurs trouver de nouveaux usages sur certaines dessertes transversales d’ici une dizaine d’années» grâce au maillage des 150 aérodromes de France métropolitaine, souligne Thomas Juin, président de l’Union des aéroports français (UAF). Prendre un avion privé sera peut-être alors considéré comme un engagement environnemental.
Sandrine Garnier