6 juillet 2018. Paris RATP. Bus électrique Bluebus Bolloré ligne 115.

Faux bus électriques, pour vraie escroquerie…

06 01 2025 | Actualités

Dans l’ombre des ambitions écologiques, une fraude d’une ampleur inédite a été mise au jour. Entre 2022 et 2023, plus de 500 bus électriques fictifs ont été immatriculés en France. Une arnaque savamment orchestrée, exploitant les failles d’un dispositif conçu pour stimuler le verdissement du secteur des transports, comme l’a révélé le journal « Le Monde ». Derrière les promesses d’un avenir propre et durable, le scandale met en lumière la fragilité des mécanismes qui soutiennent la transition énergétique.

Tout commence avec le bonus écologique, un levier essentiel du plan France Relance. À l’époque, les collectivités et entreprises pouvaient bénéficier d’une aide pouvant atteindre 30 000 euros par véhicule pour l’achat ou la location de bus électriques ou hydrogène. L’objectif ? Remplacer les flottes polluantes et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais ce dispositif, imaginé pour accélérer la transition, est rapidement devenu une cible pour des fraudeurs déterminés.

Les escrocs ont joué avec précision. Enregistrant des véhicules inexistants dans le Système d’Immatriculation des Véhicules, ils ont présenté des dossiers fictifs avec des numéros de série habilement falsifiés. Comme l’indique le site « Transbus.org » Les modèles concernés, tels que le Karsan eJest, le Bluebus 6 mètres ou encore le Heuliez GX 337 Elec, étaient choisis pour leur compatibilité avec les critères du bonus écologique. Résultat : chaque bus fantôme devenait un ticket d’entrée vers des subventions publiques.

L’ampleur du stratagème dépasse l’imagination. En quelques mois, jusqu’à 45 bus fictifs étaient enregistrés quotidiennement. Derrière ces démarches, plus de 120 entreprises ou propriétaires déclarés, souvent sans lien apparent avec le transport : des restaurants, des salons de coiffure, ou même des boucheries… Ces incohérences flagrantes n’ont pourtant pas suffi à éveiller immédiatement les soupçons.

Les conséquences sont lourdes. Selon les autorités, le montant des aides indûment perçues s’élèverait à près de 10 millions d’euros, des fonds qui auraient pu financer des projets réels et contribuer à des améliorations concrètes pour les usagers des transports en commun. L’escroquerie jette une ombre sur les dispositifs d’aide publique, soulevant des interrogations sur la fiabilité des contrôles et la responsabilité des institutions en charge de leur gestion.

Si cette affaire scandalise, elle n’est pas sans précédent. Les subventions publiques, bien qu’indispensables pour accompagner les révolutions industrielles, sont régulièrement détournées par des individus ou organisations malintentionnées. Mais l’affaire des faux bus électriques illustre une sophistication particulière, où la technologie, censée faciliter la transition énergétique, est détournée à des fins malveillantes.

Déjà, des mesures sont annoncées pour renforcer les contrôles des immatriculations et sécuriser les mécanismes de versement des aides. Mais la confiance est entamée. La transition écologique, projet collectif et ambitieux, ne peut tolérer de telles dérives. Ce scandale rappelle que, derrière chaque grand plan d’action, la vigilance reste de mise, et que la réussite passe par des institutions solides et irréprochables.

En filigrane, cette fraude pose une question plus large : celle de la vulnérabilité des systèmes dans un monde en mutation. Les technologies qui accompagnent la transformation des mobilités doivent-elles être repensées pour éviter d’être exploitées ? Les collectivités et les acteurs privés, pourtant les premiers bénéficiaires de ces aides, ne doivent-elles pas aussi faire preuve de plus de rigueur dans leurs démarches et leurs contrôles internes ?

L’affaire des faux bus électriques restera dans les annales comme un rappel brutal des défis qui accompagnent toute transition. Si elle éclaire les zones d’ombre du système, elle souligne également la nécessité de ne pas céder à la tentation du cynisme. La transition écologique est une urgence, et les erreurs de parcours, aussi coûteuses soient-elles, ne doivent pas ralentir l’effort collectif. Mais cette lutte ne peut se mener que dans la transparence et la confiance. À l’heure où les enjeux climatiques pressent, chaque détournement, chaque abus n’est pas seulement une perte financière : c’est une trahison des espoirs placés dans un avenir plus durable.

Pierre Lancien

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