« La ligne C du métro sera la première brique de notre futur SERM »
La Métropole compte sur sa troisième ligne de métro pour répondre au dynamisme démographique et économique du territoire. Cette ligne de 27 km sera connectée à cinq gares ferroviaires qui font partie du futur SERM de Toulouse.
Interview de Vincent Georjon, directeur général adjoint Mobilités et Ressources de Tisséo Collectivités et de Jean-Michel Lattes, vice-président de Toulouse Métropole chargé des Transports en commun, président de Tisséo Collectivités.
Mobily-Cités : Toulouse fait partie des Métropoles qui enregistrent une forte croissance économique et démographique…
Vincent Georjon : Le territoire de Tisséo [114 communes contre 37 pour Toulouse Métropole] gagne en moyenne 14 000 habitants et 7 000 emplois par an. C’est l’un des territoires les plus attractifs et dynamiques au niveau européen.
Jean-Michel Lattes : Toulouse est en passe de dépasser Lyon et de devenir la troisième ville de France. Notre réseau de transport bat des records, avec 206 millions de voyageurs en 2024. Mais, contrairement à Lyon ou Paris, nous sommes sur un territoire beaucoup plus vaste. Ainsi, notre ressort territorial est plus étendu que celui d’autres métropoles comparables. Et nous avons davantage d’habitants dans le périurbain. C’est pourquoi nous prévoyons de concentrer nos efforts sur la seconde couronne.
Pour répondre à ce dynamisme, la Métropole a engagé des investissements lourds et a fortement accru son offre de transport…
Jean-Michel Lattes : Notre projet de transport est le plus important de France après le Grand Paris Express, avec plus de 3 Md€ d’investissements rien que pour la ligne C du métro qui doit être mise en service en 2028.
Vincent Georjon : Depuis 2015, nous mettons en œuvre un réseau structurant de transport. Outre la construction de cette troisième ligne de métro, la capacité de la ligne A a été doublée fin 2019. Nous exploitons aujourd’hui 13 lignes de BHNS Linéo. Ce réseau structurant de bus connaît une forte dynamique, avec plus de 120 000 voyageurs par jour. Enfin, Téléo, le téléphérique mis en service en 2022, couvre la ceinture sud.
Quelle est la singularité de la future ligne C du métro de 27 km ?
Jean-Michel Lattes : Les lignes A et B sont davantage axées sur les déplacements domicile-centre-ville. La ligne C a pour objectif principal de desservir les zones d’emplois. Les différents sites Airbus se situent à proximité de cinq stations dont Airbus Colomiers-Blagnac qui est le premier site industriel en France en nombre d’emplois. Cette ligne desservira également les zones économiques Toulouse Aerospace et Enova.
Vincent Georjon : Au total, ce sont environ 220 000 emplois qui sont situés à proximité des futures stations de métro. Si l’on prend en compte un corridor plus large de 3 km autour de la ligne, ce chiffre monte à 400 000. Ainsi, nous tablons, au démarrage, sur 200 000 voyageurs par jour sur la ligne C.
Quels sont les bénéfices socio-économiques attendus de cette nouvelle ligne ?
Vincent Georjon : L’évaluation de 2019, supervisée par un conseil scientifique, a estimé une valeur actualisée nette d’environ 3,8 Md€. Plusieurs facteurs permettent de parvenir à cette somme : les émissions de GES devraient être réduites de 45 000 tonnes par an. La baisse du nombre de voyages par jour en véhicule individuel est estimée à 90 000. En outre, 39 000 heures devraient être gagnées par jour. Environ 7 000 emplois devraient être créés grâce à l’amélioration de la productivité des entreprises en plus des embauches liées directement à l’exploitation de la ligne C. Enfin, ce métro devrait freiner l’étalement urbain.
Comment Tisséo Collectivités accompagne le développement urbain à proximité de la ligne C ?
Vincent Georjon : La Métropole, le Sicoval [communauté d’agglomération du Sud-Est Toulousain] et Tisséo ont signé, en 2021, un pacte afin de veiller à une cohérence entre le développement urbain et le réseau de transport. L’une des raisons de cette boucle nord dans le tracé de la ligne C s’explique d’ailleurs par l’existence d’une vaste zone industrielle et vieillissante qui va être transformée en quartiers de vie et d’emplois. Idem, autour de l’avenue des États-Unis, des bâtiments industriels seront remplacés par des logements. D’ici à 2035, la métropole prévoit 30 000 nouveaux logements le long du tracé de la ligne C.
Quelles actions seront mises en œuvre pour optimiser la consommation énergétique de cette 3e ligne de métro ?
Vincent Georjon : Nous avons prévu, à la fois, de produire de l’énergie renouvelable et de réduire notre consommation électrique. L’énergie de freinage des rames sera récupérée et réinjectée dans le réseau. Nous allons recourir à l’hydrothermie pour notre système de chauffage et de climatisation du garage-atelier du métro. Des panneaux photovoltaïques seront installés sur les espaces disponibles. Enfin, le traitement des terres extraites lors du chantier fait l’objet d’une attention particulière. Leur valorisation s’intègre dans une démarche d’économie circulaire. Depuis 2020, la loi impose que 70% des déchets de construction soient recyclés : à Toulouse nous sommes plus exigeants avec un minimum de 80% imposé par contrat aux entreprises chargées de construire la ligne C. Ce projet contribue donc concrètement à la réduction les déchets et à l’économie des ressources naturelles.
Comment anticipez-vous l’arrivée de la ligne C sur le réseau Tisséo ?
Vincent Georjon : Nous travaillons avec une société qui utilise l’intelligence artificielle pour analyser les données des téléphones mobiles, des véhicules et toutes les données disponibles : données INSEE, comptage de trafic, données issues de la billettique, etc. Cela nous permettra de disposer d’une analyse précise de l’évolution de la mobilité, qui viendra en complément des enquêtes mobilité certifiées Cerema.
Jean-Michel Lattes : Chaque fois qu’une ligne de métro est lancée, cela provoque un big bang des transports en commun. La ligne C va évidemment impacter le réseau actuel. Nous préparons sa réorganisation en conséquence.
La troisième ligne de métro est aussi conçue comme une première brique du futur SERM de Toulouse…
Jean-Michel Lattes : En effet, la ligne C disposera de cinq points de connexion avec le réseau ferré. Sa forte capacité permettra d’absorber les passagers qui arriveront de ces gares. Plus globalement, nous sommes attentifs aux enjeux d’intermodalité. Cela implique d’aménager des pôles d’échanges autour des gares. Il faudra notamment améliorer les accès en vélo, mais aussi prévoir des lignes express ou des lignes de bus en site propre.
Vincent Georjon : La seconde brique du SERM concerne les aménagements ferroviaires du nord de Toulouse, qui sont actuellement réalisés dans le cadre du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) : cela va permettre d’augmenter le cadencement des trains entre Montauban et Toulouse. Ces trains s’arrêteront à la gare de La Vache, qui sera requalifiée et connectée à la ligne B et à la future station de la ligne C.
Jean-Michel Lattes : Notre projet SERM ne repose pas uniquement sur le réseau ferré : il prévoit aussi des lignes de bus express. Nous démarrons dès le mois de septembre 2025 avec la desserte Muret-Toulouse (Basso-Cambo).
Quelle est la caractéristique de cette ligne express ?
Jean-Michel Lattes : Muret-Toulouse vise les déplacements domicile-travail et les zones commerciales. L’enjeu est de traverser rapidement les zones rurales pour se concentrer sur les lieux où les populations vivent. Des voies dédiées et des priorités aux intersections ont été mises en place. C’est un investissement de 13,5 M€. Nous tablons sur une fréquentation de l’ordre de 2 000 voyageurs par jour avec un bus standard.
Vincent Georjon : Cette ligne sera complémentaire des autres modes, y compris le train. En effet, Muret dispose d’une des gares les plus fréquentées de Haute-Garonne. Cependant, cette ligne express circulera dans des secteurs non desservis par le train. En outre, elle se connectera à la ligne A au terminus Ouest. L’intermodalité sera renforcée aux terminus, avec des lignes du réseau express vélo [REV] et des services de location de vélos.
A ce stade, quel est le calendrier de réalisation du SERM ?
Jean-Michel Lattes : Les aménagements ferroviaires du nord de Toulouse [GPSO] devraient être mis en service en 2032. Le projet, dans son ensemble, devrait aboutir pour 2040. Le projet de SERM toulousain a été évalué à 4,1 Md€ auquel il faudra prévoir 553 M€ supplémentaires pour les aménagements des pôles d’échanges. Il va, à l’évidence, falloir imaginer un modèle économique nouveau avec des engagements financiers nouveaux…
Quels sont les autres projets structurants de Tisséo Collectivités ?
Jean-Michel Lattes : Le prolongement de la ligne de métro B qui est destiné à la connecter à la future C. Deux stations seront ajoutées. L’inauguration est prévue en 2027. Concernant la liaison aéroport, nous avions une ligne de tramway en Y, avec une partie vers l’aéroport et une partie vers Blagnac. Cette configuration posait des problèmes de saturation. Nous avons donc décidé de déconnecter les deux lignes. Un tram express fera la liaison entre Blagnac et l’aéroport, indépendamment de la ligne T1. Ainsi, les voyageurs venant de la ligne C pourront descendre à la station Blagnac et rejoindre l’aéroport en 5 minutes avec ce tram express.
La nouvelle offre de VLS, lancée fin août 2024, est un franc succès…
Jean-Michel Lattes : Les chiffres sont stupéfiants. Nous sommes passés de 12 000-13 000 trajets par jour en moyenne à 28 000, avec des pics à 38 000. La LOM a donné aux AOM la compétence des services de VLS. Tisséo Collectivités a pris la décision de faire évoluer l’offre créée à l’origine pour la ville de Toulouse en 2005. La mise en circulation de vélos électriques a permis d’attirer de nouveaux utilisateurs. Désormais, nous avons presque une répartition 50-50 entre vélos mécaniques et VAE. Autre raison de ce succès, la création de 117 stations supplémentaires dans les faubourgs de Toulouse portant le total à 400. Enfin, les abonnements sont très raisonnables : 20 € par an pour un vélo mécanique et 10 € par mois pour l’électrique. En septembre 2025, nous élargirons le service à d’autres communes limitrophes, comme Blagnac, avec 70 stations supplémentaires.
Florence Guernalec
