C’est le tout premier bateau promenade rétrofité 100% électrique en Europe. Le Paris Trocadéro, long d’une trentaine de mètres et d’une capacité de 250 places, a été officiellement lancé sur la Seine le 1er février 2024. Le bateau appartient à Vedettes de Paris (16 M€ de CA en 2023). Si l’entreprise familiale ne communique pas sur le budget de l’opération, la compagnie de croisière indique néanmoins que 10% du montant de l’investissement a été subventionné par VNF via le Plan d’aides à la modernisation et à l’innovation de la flotte (PAMI), l’Ademe et Haropa Port, selon Marie Bozzoni, directrice générale de Vedettes de Paris.
Il s’agit du premier bateau promenade de la compagnie rétrofité sur une flotte de cinq qui a accueilli 800 000 passagers en 2023. Les deux prochains bateaux seront prêts en avril et mai 2024. Le quatrième est programmé pour mi-2025. Ce rétrofit de 80% de la flotte, à l’origine de 50% des GES de la compagnie en 2019, permettra d’économiser à terme 500.000 litres de gasoil, soit 1600 teq CO2, selon Vedettes de Paris. Autre avantage de cette conversion à l’électrique, un bateau qui navigue sur la Seine sans vibration et bruit de moteur, ni odeur de gasoil pour les passagers, mais aussi plus confortable et agréable pour les collaborateurs.
L’opération de rétrofit devait répondre à plusieurs impératifs pour être pertinente: garantir la stabilité du bateau, notamment sous le poids des batteries lithium-fer-phosphate (11 tonnes); fournir une énergie suffisante pour contrer les courants du fleuve; assurer une navigation commerciale sur plus de 12 heures sans interruption quelles que soient les conditions de navigation. Pour convertir ce premier bateau, il aura fallu 24 mois d’études et de travaux.
Le projet de rétrofit a démarré par une étude de faisabilité du bureau d’études navales Ship-St qui a modélisé la Seine sur l’ensemble du parcours et les carènes des bateaux: les études d’hydrodynamisme, par exemple, avaient pour but de réduire la puissance des moteurs nécessaires et donc le nombre de batteries à embarquer. Il a fallu procéder par itération pour aboutir à une configuration optimum.
A l’arrivée, il a notamment fallu modifier la coque, changer les deux hélices en doublant leur diamètre à 1300 mm afin de les faire tourner plus lentement et d’améliorer le rendement de l’appareil propulsif constitué de deux systèmes indépendants imposés pour la réglementation en cas de panne.
Le bateau rétrofité bénéficie d’un double système de charge: lente pour la nuit en courant alternatif à 100kW; rapide en courant continu à 240kW pendant 15-20 minutes sous forme de biberonnage entre deux rotations via l’installation de deux bornes Siemens. Le raccordement électrique depuis les quais hauts de la ville a également nécessité une étude.
Pour accompagner les compagnies qui se lancent dans la décarbonation de leur flotte, Haropa Port a décidé, en 2021, de leur accorder une prolongation de quatre ans de leur droit d’exploitation. «C’est le début d’une longue série de transformations des bateaux, a déclaré Antoine Berbain, directeur général délégué d’Haropa Port. Paris est le premier port intérieur du monde en termes de nombre de passagers transportés (9,5 M en 2023, un record): cela nous contraignait à être le leader de la décarbonation…»
Enfin, Vedettes de Paris prépare les prochaines étapes avec notamment un projet de vehicule-to-grid avec Actemium (Vinci Energies): puisqu’un seul bateau navigue en semaine l’hiver, l’entreprise disposera de 3 MWh d’énergie disponible (rechargée la nuit en heures creuses) pour l’injecter dans le réseau en heures pleines, a expliqué Vincent Delteil, directeur général adjoint en charge de l’innovation. Vedettes de Paris réfléchit également à devenir un maillon de la logistique urbaine.
Florence Guernalec