Pia-IMBS
Pia Imbs
Présidente de l’Eurométropole de Strasbourg

« Le REME est un véritable succès »

L’Eurométropole de Strasbourg va inaugurer en 2025 sa première ligne de car express sur l’autoroute. En attendant, la Métropole poursuit la montée en puissance de son réseau express métropolitain européen (REME) et de son service de covoiturage qui desservent des communes situées dans son périmètre et au-delà. En outre, la présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, attend toujours le feu vert de Bercy pour augmenter le plafond du versement mobilité, et ainsi renforcer le financement de la « révolution des mobilités » enclenchée sur tout le territoire. 

Mobily-Cités : Proposer à chaque habitant de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) une alternative à l’automobile pour leurs déplacements du quotidien fait partie des priorités de votre mandature. Ce pari sera-t-il tenu ?

Pia Imbs : Complètement. Nous sommes au rendez-vous des projets inscrits dans notre Schéma directeur des mobilités qui vise à offrir une mobilité décarbonée à tous les eurométropolitains de la ville centre, en première et seconde couronne. Les voyageurs profitent déjà de l’essentiel de cette offre supplémentaire : le REME [réseau express métropolitain européen] a été mis en service fin 2022 avec notamment la rénovation en cours de six gares transformées en PEM, des lignes de BHNS Chron’hop qui ont un cadencement identique aux trams. Un service de Transport à la demande qui couvre désormais 25 communes sur 33 que compte l’EMS. Nous avons également été pionniers en créant une ligne de covoiturage voici près deux ans sur une voie réservée du boulevard urbain M35 [ex-A35]. Et nous avons lancé, en mars 2024, un nouveau service de covoiturage avec Karos, Aut’hop, qui rencontre un franc succès notamment auprès de salariés des zones d’activité. En outre, le chantier du TSPO [transport en site propre de l’Ouest strasbourgeois] qui prévoit des voies réservées sur l’autoroute M351 pour les cars express, est achevé au deux-tiers. Enfin, nous investissons 100 M€ sur cette mandature pour des pistes cyclables afin notamment de relier les communes entre elles, et en particulier pour desservir la troisième couronne. 

 

Trois lignes de tram doivent encore être inaugurées entre 2025 et 2026, dont le « tram nord » qui doit desservir Schiltigheim, la seconde plus grande ville de la Métropole. Le montant des travaux annoncé s’élevait à 140 M€ et a été réévalué à 268 M€. Comment expliquez-vous cette différence ?

Tout d’abord, il s’agit, en réalité, d’un tram deux-en-un vers le nord de Strasbourg et qui traverse la ville de Strasbourg via la gare SNCF, jusqu’au Parlement européen. Pour ce Tram Nord, le montant communiqué initialement portait uniquement sur le budget travaux du tram, et ne comprenait pas les études d’ingénierie et les réaménagements des espaces publics, en particulier le quartier de la gare et la place de Haguenau : cette dernière est un point de passage des déplacements entre Strasbourg et Schiltigheim, et un point de départ et d’arrivée de l’autoroute M351. Nous ajoutons aussi tout au long de ces lignes de tram des pistes cyclables…

Enfin, nous inaugurerons, fin 2025, un tram vers l’Ouest de la Métropole desservant Cronenbourg (un quartier de Strasbourg), Eckbolsheim et Wolfisheim.

 Lors du lancement du REME en décembre 2022, 800 trains supplémentaires par semaine devaient circuler. Rétrospectivement, comment expliquez-vous les difficultés à tenir cette promesse ? 

Nous avons fait cette annonce parce que le PDG de la SNCF s’était engagé par écrit sur cette offre. Il est rapidement apparu que les aiguillages en gare de Strasbourg ne permettaient pas de faire se croiser, à court terme, autant de trains. Nous sommes aujourd’hui à 650 trains supplémentaires par semaine, soit une augmentation de l’offre de 30%, ce qui représente déjà un saut quantitatif très significatif qui nous permet d’offrir du cadencement à la demi-heure voire au quart d’heure en heures de pointe de sorte que les voyageurs ne se posent plus la question de l’horaire de leur train. C’est un changement conséquent dans le quotidien des usagers. Au final, nous considérons que le REME est un réel succès d’autant plus que nous allons continuer à augmenter progressivement le nombre de trains.

 

Votre projet de SERM a été « labellisé » par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires fin juin 2024. Est-il différent du REME ?

Non, il s’agit du même projet. Nous avons été précurseurs sur ce dossier : nous avons lancé notre RER métropolitain avec le soutien fort de la Région Grand Est sans attendre celui de l’État… Nous partageons avec la Région les frais de fonctionnement à 50-50, soit 7 M€ chacun. Avec cette labellisation, nous demandons aujourd’hui à l’Etat de soutenir notre projet de financement :
l’EMS souhaite pouvoir relever le plafond du versement mobilité. Cela fait d’ailleurs aussi partie des solutions de financement avancées par le Gart… J’ai notamment rencontré le ministre des Transports et celui de la Transition écologique pour évoquer ce sujet. Pour l’instant, nous n’avons pas obtenu de réponse concrète…  

Dans son volet ferroviaire, l’achèvement du REME passe par des travaux sur deux lignes transfrontalières… 

Effectivement. Nous avons besoin de sécuriser les rails de la ligne Strasbourg-Lauterbourg vers Karlsruhe et aussi celle de Strasbourg-Offenbourg vers Francfort pour mettre en œuvre une véritable offre transfrontalière. Ces projets de lignes plus fréquentes sont inscrits dans le contrat triennal conclu entre l’Etat, la Région Grand Est, la CeA [Collectivité européenne d’Alsace], l’EMS et la Ville de Strasbourg, un contrat destiné à améliorer l’accessibilité de la capitale parlementaire de l’Europe. Parallèlement, il convient de noter que nous bénéficions aujourd’hui d’un train de nuit Paris-Berlin via Strasbourg. Un train de jour est également annoncé. 

Le REME prévoit aussi la création d’un réseau de cars express sur l’autoroute…

La première ligne TSPO, prise sur la bande d’arrêt d’urgence, reliera Wasselonne à Strasbourg sur la M351 et entrera en service en 2025. Nous inaugurons bientôt la première station [Paul-Eluard] qui sera située sur l’autoroute près de l’hôpital, et en connexion avec le tram D. D’autres lignes suivront qui vont permettre de desservir les personnes qui vivent à l’extérieur du périmètre de la métropole : elles seront exploitées par la CTBR [Compagnie des transports du Bas-Rhin] et relèvent de la compétence de la Région Grand Est. 

L’EMS a lancé, en mars 2024, Aut’hop, un service de “covoiturage territorial” avec Karos. Quel est sa spécificité ?

Il s’agit de soutenir ce service là où il n’y a pas d’offre de transport en commun. C’est pourquoi nous ciblons, en particulier, les salariés des entreprises des zones d’activité comme l’Espace Européen de l’Entreprise de Schiltigheim et le Port Autonome de Strasbourg. Ainsi, l’EMS verse une prime au conducteur pour les trajets qui ont pour origine et/ou destination l’EMS et qui n’entrent pas en concurrence avec notre offre de transport : ce service est gratuit pour les covoiturés et rapporte entre 1,50 et 4 € par passager transporté pour le conducteur. L’EMS a prévu de dédier un budget de 300 000 € pour ce dispositif. C’est d’ores et déjà un succès puisque depuis le lancement en mars 2024, nous avons enregistré 6400 personnes inscrites, 19 400 trajets réalisés. Nous estimons que ce sont 3300 trajets en autosolisme qui ont été évités. Enfin, à l’instar du REME, Aut’hop nous permet de changer d’échelle avec 167 communes desservies à ce jour à rapporter aux 33 communes de l’EMS… 

 

La ZFE instaurée sur l’ensemble du périmètre métropolitain prévoit d’exclure les véhicules Crit’Air 3 à partir du 1er janvier 2025. Comptez-vous tenir ce calendrier ?

Oui même si l’EMS a vu sa qualité de l’air s’améliorer en 2023 notamment grâce à l’exclusion des poids lourds de la M35, au renouvellement du parc automobile accéléré par la ZFE et à une météo favorable : nous devons continuer à tendre vers le seuil préconisé par l’Organisation Mondiale de la Santé (10µm/m3) afin de réduire la surmortalité due à la pollution atmosphérique. Certes, nous sommes passés en “territoire vigilance ZFE”, c’est-à-dire sous le seuil des 40µg/m3 en termes de concentration de dioxyde d’azote pendant trois années sur les cinq dernières, mais les objectifs de l’Union européenne comme ceux fixés localement par l’État dans le Plan de Protection de l’Atmosphère convergent pour poursuivre les efforts.

Nous avons sensiblement augmenté l’offre de transport pour accompagner la mise en place de cette ZFE. En outre, nous constatons que les automobilistes ont sollicité l’Agence du climat [créée par l’EMS en 2021] qui comptabilise 8 685 conseils en mobilité (effectués ou prévus) auprès de particuliers et 294 auprès d’acteurs économiques. Une enveloppe de 50 M€ [votée en octobre 2021] permet de proposer une aide intitulée le « compte-mobilité » pour financer les mobilités alternatives à la voiture individuelle ou une aide à la conversion pour l’acquisition d’un Crit’Air 0 ou 1, neuf ou d’occasion. A début juillet 2024, 3 638 aides à la conversion pour les particuliers, 64 pour les professionnels et 180 compte-mobilité ont été versés. Les aides varient entre 2000 et 2500€ pour le compte-mobilité, 2000 et 4000 € pour l’aide à la conversion pour les particuliers entre 1500 et 15 000€ pour les professionnels. Il ressort que 80% des ménages de l’EMS sont éligibles à cette aide qui vient en complément de celles de l’Etat et, dans certains cas, de la Région Grand Est.

Comme prévu, nous sommes en train d’évaluer l’efficacité d’ensemble de notre dispositif : nous mesurons l’amélioration de la qualité de l’air, l’évolution du parc de véhicules, la pertinence des aides, et avons mené des enquêtes auprès des particuliers et des acteurs économiques du Bas-Rhin. Les résultats de cette évaluation et des orientations que nous en tirerons seront communiqués à la fin de l’été et les éventuelles adaptations nécessaires seront déclenchées en conséquence.

 

L’instauration de cette ZFE a-t-elle eu des répercussions sur la fréquentation des transports publics ?

Le réseau CTS a enregistré 492 000 voyages/jour en 2023 contre 473 000 voyages/jour en 2019. Notre service de transport à la demande, Flex’hop, est victime de son succès tout comme nos lignes de BHNS. Nous considérons, à ce stade, que nous avons réussi notre pari de rendre ces évolutions soutenables et acceptables pour les usagers.

L’EMS a instauré la gratuité pour les moins de 18 ans en septembre 2021. Comptez-vous étendre cette gratuité à tous les usagers comme l’a fait Montpellier par exemple ?

Non, car nous avons mis en place une tarification solidaire qui prend en compte des situations spécifiques comme les demandeurs d’emploi par exemple, et qui bénéficie à 58 000 usagers. Les moins de 18 ans représentent 70 000 abonnés. Seulement, 40 000 voyageurs paient plein tarif. Je tiens également à souligner que les abonnements de bus couvrent l’ensemble des transports publics disponibles sur le périmètre de l’EMS : TER, Tram et Flex’hop. 

 

Propos recueillis par Florence Guernalec

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