L’autorité de la concurrence a mené en 2023 une étude sur la situation dans le transport terrestre de personnes. Une approche transversale et inédite, visant selon les activités à actualiser la situation et à dresser un premier bilan des problématiques rencontrées. Le travail a été mené en lien avec la DGITM et les différentes autorités organisatrices concernées, ainsi qu’avec l’Autorité de régulation des Transports (ART). Dans son avis rendu public le 29 novembre, l’Autorité de la concurrence distingue les services librement organisés (SLO) des services conventionnés, et consacre un chapitre spécifique à la gestion des gares et de l’intermodalité, déterminante dans la transition écologique. «La concurrence devrait contribuer au verdissement des transports terrestres, en encourageant la diversification des offres de mobilité et l’innovation. Dans les services conventionnés, elle permet par exemple d’introduire des critères liés au développement durable dans la structuration des appels d’offres», souligne Benoît Cœuré, président de l’Autorité de la concurrence.
Le propos de l’autorité de la concurrence n’est pas de chanter les louanges du marché ou de prôner le laisser faire. Contrairement à une idée reçue, «la concurrence suppose non pas le retrait de la puissance publique, mais au contraire un engagement supplémentaire», déclare Laure Gauthier, rapporteure générale adjointe. Et c’est bien dans le sens d’une plus forte régulation par les pouvoirs publics, et avec le souci de favoriser l’émergence d’une véritable culture de la concurrence au sein des décideurs publics que doivent se comprendre les avis de l’autorité de la concurrence. Dans les transports urbains, «l’animation concurrentielle est faible» sur un marché dominé par deux opérateurs, Keolis et Transdev, que challenge désormais RATP Dev, constate ainsi Benoît Cœuré. L’autorité regrette notamment le faible recours à l’allotissement de la part des AOM, qui préfèrent recourir à des Délégations de service public (DSP) globales. A Lyon, l’initiative de Sytral Mobilités de découper le marché en trois lots, dont deux DSP, devrait d’ailleurs redynamiser le jeu. Mais cette option semble réservée aux grandes agglos, dotées de réseaux suffisamment performants et de compétences en interne. L’autorité de la concurrence préconise également de «ne pas faire coïncider les appels d’offres avec des échanges structurants avec des monopoles historiques, dont les filiales pourraient participer à ces appels d’offres». En d’autres termes, mieux vaudrait éviter d’avoir à discuter à la fois avec la SNCF et Keolis… pas si simple.
Ferroviaire: péages et barrières à l’entrée
Sans grande surprise, c’est sur la mise en concurrence du ferroviaire que l’étude relève le plus d’obstacles sur la route des nouveaux opérateurs. Dans le cas des services ferroviaires librement organisés, le niveau des péages est considéré comme un frein au véritable choc d’offre attendu. En prenant l’exemple de la ligne Paris – Lyon, l’autorité de la concurrence note que l’arrivée de Trenitalia n’a pas eu d’effet négatif sur la fréquentation des lignes opérées par SNCF Voyageurs, mais que l’offre globale ne suffit pas à répondre à la demande ferroviaire. Le gendarme de la concurrence pointe les liens persistants entre SNCF réseau et SNCF Voyageurs, théoriquement séparées depuis la nouvelle organisation mais dépendant de la même holding. Les barrières à l’entrée sont également rappelées : acquisition et homologation des matériels roulants, équipement des systèmes embarqués (notamment ERTMS), attribution des sillons et information des travaux sur le réseau. Une partie de ces constats se retrouvent d’ailleurs sur le marché du transport ferroviaire conventionné, pour lequel l’autorité de la concurrence recommande aux Régions de se doter de compétences propres, de manière à ne pas dépendre de la SNCF et de ses filiales pour préparer leurs appels d’offres, et d’éviter de recourir exclusivement aux cabinets de conseil.
L’autorité de la concurrence consacre aussi un chapitre de son étude à l’intermodalité et à la gestion des gares, pour recommander là encore aux Régions de prendre le contrôle des opérations. Exemple en Région Sud: que va-t-il se passer en gare de Grasse, gérée par SNCF Gares & Connexions, quand Transdev opérera la ligne Nice – Toulon – Marseille? Le législateur devrait envisager le transfert de la propriété des gares aux Régions, ou bien ces dernières devraient demander de se voir déléguer la gestion des gares. Quant au sujet de la billettique ferroviaire et de l’information voyageur multimodale, il devrait faire l’objet d’un prochain avis de l’autorité de la concurrence. Enfin, les gares routières représentent, aux yeux de l’autorité, un des leviers majeurs pour améliorer l’intermodalité, y compris avec les cars SLO.
Sandrine Garnier