100 Md€: c’est le besoin de financement des transports publics en France d’ici à 2030, évalué par les sénateurs. A ne pas confondre avec le plan pour le ferroviaire annoncé par la Première ministre, Elisabeh Borne, en février dernier… dont les ressources ne sont pas clairement identifiées, elles non plus. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel ont présenté le 5 juillet les conclusions de leur rapport consacré au financement des autorités organisatrices de mobilité françaises. Ils estiment que l’offre de transports en commun du quotidien doit progresser de 20 à 25% d’ici 2030 pour permettre à la France d’atteindre ses engagements en matière climatique. Ils ont donc calculé l’effort supplémentaire à fournir par les différents niveaux de collectivités pour améliorer leur offre: 25 à 28 Md€, dont 8,5 à 11 Md€ au niveau local, et plus de 10 Md€ au niveau régional. S’y ajoutent 30 Md€ d’investissement dans les TCSP, et 50 Md€ pour l’Ile-de-France (30 Md€ pour l’investissement, et 20 pour le fonctionnement). Voilà pour le chiffrage nécessaire afin de «produire le choc d’offre indispensable» pour rendre la mobilité décarbonée accessible à l’ensemble de nos concitoyens.
Afin de fournir davantage de ressources aux AOM, les sénateurs préconisent donc une série de mesures, en reprenant certaines demandes déjà formulées par le Gart. D’autres sont dailleurs déjà intégrées aux dispositifs en cours de déploiement, pour le financement des Services express métropolitains (SERM), ou figurent dans les propositions de l’Etat pour le financement d’Ile-de-France Mobilités. En voici les principales:
- allègement d’au moins 50% du remboursement des avances accordées aux AOM dans le cadre de la crise sanitaire ;
- dotations budgétaires de 700 M€ jusqu’en 2030 en faveur des services de mobilité en zones peu denses ;
- prise en charge du financement des opérations de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire pour diminuer la charge des péages financés par les régions ;
- création d’un fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone revenant à l’État, en fléchant au moins 1 Md€ au financement du verdissement des flottes de bus des AOM.
Hervé Maurey et Stéphane Sautarel demandent également d’ouvrir la possibilité aux AOM locales de lever du versement mobilité, y compris lorsqu’elles n’organisent pas de services réguliers de transport public.
Les sénateurs approuvent le recours aux sociétés de projet pour financer les RER métropolitains, comme le prévoit le projet de loi déposé par Jean-Marc Zulesi. Concernant l’Ile-de-France, ils préconisent la réduction de moitié des contributions dues par Ile-de-France Mobilités à la Société du Grand Paris, mesure demandée par IdFM et qui figure dans le rapport de l’Inspection générale des Finances.
Pour faire bonne mesure, les sénateurs listent encore de nouveaux leviers de financements, pour la plupart déjà évoqués dans les réflexions similaires. Devraient ainsi être affectés au financement des besoins structurels de fonctionnement des collectivités :
– une part d’accise sur les énergies (ancienne TICPE) répartie dans une logique de péréquation qui aura vocation à diminuer dans le temps au profit de la montée en puissance progressive d’une nouvelle contribution prélevée sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) ;
– une taxe sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transports ;
– une taxe sur les livraisons liées au commerce en ligne ;
– une majoration de la taxe de séjour sur les hébergements « haut de gamme » ;
– enfin, pour financer une part des dépenses d’investissements engagées par les AOM en raison des impératifs climatiques, les rapporteurs proposent la création d’un grand emprunt destiné à financer la transition écologique des mobilités du quotidien.
Concernant la participation des usagers, les sénateurs se prononcent contre l’augmentation des tarifs: «le nécessaire choc d’offre doit se combiner avec un choc tarifaire et, durant cette phase décisive, les tarifs modérés pratiqués en France sont un atout à ne pas remettre en question», indiquent-ils. Ils reconnaissent toutefois que «la part des recettes commerciales dans le financement des transports collectifs urbains (TCU) est plus basse que chez nos voisins européens», et que celle-ci «a fortement diminué, passant d’environ 70% en 1975 à 50% en 1995 pour se situer aujourd’hui sous les 20%».
S. G.