C’était un secret de polichinelle, c’est désormais un fait. Le groupe familial allemand Rethmann, aujourd’hui actionnaire à 34 % de Transdev est formellement candidat à l’acquisition de la majorité du capital de Transdev détenu à 66% par la Caisse des dépôts. Vendredi 22 novembre, il a déposé une première offre auprès de CACIB, la banque conseil du vendeur, lequel souhaite conserver une participation minoritaire dans le transporteur. L’opération pourrait aboutir au final à inverser l’actuelle clé de répartition entre actionnaires.
Toutefois, l’entreprise industrielle allemande, notamment présente dans la logistique (Rhenus) et le traitement de déchets (Remondis), n’est pas seule en lice. « Il y a au moins trois candidats au total » indique-t-on chez le bras armé financier de l’Etat. Le gestionnaire de fonds français Meridiam spécialisé dans les infrastructures et qui cultive une expérience dans les transports publics (avec les BHNS électriques de Dakar) confirme sa candidature, suite à l’article du Monde (22/11).
Quant au troisième fonds, on ne connaît pas encore son identité. Avant la remise des offres, des noms d’acteurs potentiellement intéressés ont circulé comme celui d’Infravia, un autre spécialiste tricolore des infrastructures. Mais « ce type de dossier trop politique n’intéresse pas Infravia qui préfère avoir les mains libres dans ses investissements » décrypte un connaisseur. De taille bien plus conséquente, le gestionnaire de fonds de pensions australien IFM Investors aurait également jeté un œil sur le dossier. Parmi les atours de l’opérateur français piloté par Thierry Malet figure sa position de leader sur le marché américain. C’est en effet le premier acteur dans le transport urbain aux Etats-Unis d’où il tire 25 % de son chiffre d’affaires.
Au final, il se peut que les challengers aient remis une offre de pure forme sans y croire vraiment et être présent en cas de coup de théâtre. Aux yeux de nombre d’acteur, les jeux sont faits depuis longtemps. « Les Rethmann qui sont déjà en place bénéficient d’un droit de préemption des actions de la Caisse et jouissent d’une bonne réputation auprès des actionnaires et du management » abonde un acteur de la finance.
En outre, financièrement le groupe familial a les reins solides pour pouvoir racheter Transdev et investir dans son développement. Autre caractéristique. Actionnaire de long terme, il n’aura pas l’obsession du reporting financier contrairement aux fonds qui placent les entreprises sous pression constante. Un peu de compétition dans les offres arrange en tout cas les affaires du vendeur, permettant des points de comparaison et de faire éventuellement monter le prix de vente. On parle d’une opération à plusieurs centaines de millions d’euros sinon à 1 milliard.
Reste ces questions : quel impact commercial un passage de Transdev sous pavillon majoritairement allemand aura-t-il en France ? Même si la Caisse demeure actionnaire, les élus des métropoles cesseront-ils de miser sur lui au profit des seuls Keolis et RATP Dev ? Transdev lui-même, seul concurrent effectif de la SNCF dans le TER (il commencera mi 2025 à exploiter Nice-Marseille) ne sera-t-il pas tenté de jeter l’éponge sur ce marché, las de la guérilla menée contre lui par les syndicats cheminots ? « D’ores et déjà, le PDG de la RATP Jean Castex joue de cet argument auprès des élus français pour tenter d’affaiblir Transdev » croit savoir un observateur.
Marc Fressoz