Et si la France décidait de baisser de 20% le tarif de ses péages ferroviaires sur la grande vitesse? C’est l’hypothèse retenue par Arnaud Aymé, directeur général de Sia Partners France, dans son étude intitulée «Un choc d’offre pour stimuler le trafic et atteindre un nouvel équilibre économique», réalisée pour l’Association française du rail (Afra). Les résultats présentés lors du colloque annuel de l’association le 4 octobre 2023, supposent que la moitié de cette baisse des redevances serait répercutée sur le prix du billet, le reste permettrait l’amélioration des marges des opérateurs, l’enjeu étant de permettre aux nouveaux entrants de trouver plus facilement des financements pour acheter de nouvelles rames.
La simulation réalisée sur les lignes Paris-Lyon (en cours d’équipement ERTMS) et Paris-Strasbourg conclut à une augmentation de 30% des voyageurs à long terme et une hausse de 10% des redevances du gestionnaire d’infrastructure. «Cela n’est pas forcément pertinent pour l’ensemble le réseau français et tous les types de trafics», avertit Arnaud Aymé. En outre, l’étude Sia Partners conclut que dans une première phase, cette baisse de 20% des tarifs des péages engendrerait un déséquilibre économique qui nécessiterait un soutien financier des pouvoirs publics à SNCF Réseau.
Par ailleurs, «la baisse du prix des péages ne sera pas suffisante pour créer un cercle vertueux. Cela prendra plusieurs années», admet Arnaud Aymé. II faudrait en particulier que le parc de rames TGV augmente afin de répondre à la hausse de la demande. Olivier Salesse, directeur de la régulation sectorielle des transports à l’ART, confirme qu’une baisse importante des tarifs des péages aurait non seulement un effet limité à court terme en raison de la pénurie de matériel roulant, mais qu’elle pourrait perturber les efforts financiers de régénération du réseau. Il estime néanmoins qu’il pourrait être pertinent d’acter une trajectoire de baisse des tarifs des péages.
L’Afra a également consacré une table ronde à l’ouverture à la concurrence des TER. Roch Brancour, vice-président de la région des Pays de la Loire, président de la commission Infrastructures, transports et mobilités durables, admet qu’il existe aujourd’hui une barrière à l’entrée pour les concurrents de l’opérateur historique: «Nous sommes conscients de la nécessité de renforcer les conditions d’équité entre les candidats. Il appartient aux autorités organisatrices de les aplanir le plus possible.» Ainsi, la Région qui a attribué son premier lot à SNCF Voyageurs au mois de juin 2023, considère ce résultat comme une étape qui va lui permettre de mieux préparer les prochaines procédures: «Voici quelques jours, nous avons reçu les quatre opérateurs qui avaient répondu à l’appel d’offres pour faire un retour d’expérience. Nous avons identifié plusieurs points d’amélioration comme, l’accès aux vraies données dans un format compréhensible et dans les délais…»
Autre axe de progression des conditions d’équité: la dissymétrie des échanges entre les candidats et les autorités organisatrices. Il existe un dialogue permanent entre l’opérateur historique et les Régions dans le cadre de l’exploitation qui est impossible pour les nouveaux entrants dès lors qu’un appel d’offres est lancé. «Nous ne connaissons pas les réflexions de l’autorité organisatrice sur l’évolution de son réseau, les services associés, ses difficultés… Il faut revoir ces modalités de dialogue entre les différents candidats lors de ces appels d’offres», plaide Alix Lecadre, directrice des offres et métiers ferroviaires de Transdev.
En revanche, Roch Brancour a défendu le recours des Régions à des AMO dans les processus d’appels d’offres, alors que leur neutralité est remise en cause par les nouveaux entrants: «Leur apport est déterminant pour élaborer les cahiers des charges et, en particulier, pour donner la liberté aux opérateurs de nous faire des propositions : dans ce cadre, nous avons besoin des AMO pour expertiser avec elles la crédibilité des réponses. Les Régions sont encore très fragiles au niveau des compétences, même si nous avons procédé à un renforcement significatif de nos équipes.»
L’indemnisation des frais de réponse aux appels d’offres se pose également afin d’éviter un tarissement du nombre de candidats dans les futures procédures. «Cela nous coûte entre 2 et 3 M€, a rappelé Alix Lecadre. Nous n’avons pas vocation à répondre à tous les lots mis sur le marché. Nous investissons là où nous estimons que nous pouvons gagner. Nous n’avons pas vocation à être des mécènes de l’ouverture du marché à la concurrence au bénéfice des Régions.»
Florence Guernalec