La taxe poids lourds fera-t-elle son retour en France? Les portiques de la défunte écotaxe vont-ils enfin entrer en service? L’ordonnance du 26 juillet qui doit être ratifiée prochainement va permettre à la collectivité européenne d’Alsace (réunion des deux départements du Haut et Bas-Rhin) de mettre en place une tarification à l’usage de son réseau routier. Baptisé R-Pass, ce dispositif expérimental qui concernera uniquement les poids lourds doit être déployé à partir de 2025. Une phase de concertation avec les professionnels concernés est actuellement en cours. «L’ordonnance permet également aux Régions volontaires d’instituer, dans le même cadre que celui prévu pour la collectivité européenne d’Alsace, à compter du 1er janvier 2024 et sur les voies mises à leur disposition, des tarifications de l’usage de routes par les poids lourds, notamment dans le but de financer la transition des infrastructures de transports», indique le Gouvernement. A ce jour, seule la Région Grand Est a manifesté son intention de tarifer les tronçons routiers qui lui ont été transférés à titre expérimental, et sont situés en Moselle, à la frontière nord avec l’Allemagne, et en Haute-Marne. Les départements, qui réclament des ressources pour l’entretien et la modernisation de leurs réseaux routiers, auront également la possibilité de mettre en place cette taxe. François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne, s’est d’ailleurs déclaré favorable à l’idée de faire payer les camions qui empruntent la nationale 20 pour éviter de prendre l’autoroute.
Le niveau de future taxe poids lourds sera non seulement fonction de la classe d’émission du véhicule (les véhicules à émission nulle seront exonérés), mais il pourra également varier selon les jours de la semaine ou les heures de la journée, de façon à réduire la congestion routière. Les collectivités pourront aussi appliquer un tarif spécifique en cas de pollution atmosphérique, différencié selon la zone urbaine ou interurbaine. Il doit surtout éviter de braquer massivement les transporteurs et autres utilisateurs de véhicules industriels.
Des exceptions sont toutefois prévues: engins de levage et de manutention ; pompes et stations de pompage ; groupes moto-compresseurs mobiles ; bétonnières et pompes à béton, à l’exception des bétonnières à tambour utilisées pour le transport de béton ; groupes générateurs mobiles ; engins de forage mobiles. Seront également dispensés de taxe, les véhicules de la défense nationale, de la protection civile, des services de lutte contre les incendies et autres services d’urgence, des forces de police, de gendarmerie et de la douane, ainsi que ceux dédiés à l’entretien des routes.
L’exonération sera également possible pour les poids lourd affectés aux transports intérieurs aux enceintes des chantiers ou des entreprises, même si ces transports impliquent de traverser les voies ouvertes à la circulation publique, le transport de matériels de cirques ou de fêtes foraines, le transport liés aux activités des centres équestres. La liste continue avec le transport lié aux activité agricoles, et le transport de marchandises artisanales… Enfin, des réductions tarifaires pourront s’appliquer aux usagers fréquents des réseaux taxés, ainsi qu’aux poids lourds dotés de l’équipement de télépéage qui sera nécessaire pour calculer le montant à payer.
Avec tous ces allègements, le dispositif restera-t-il suffisamment lisible, et assez rémunérateur pour couvrir à la fois ses frais de fonctionnement et rémunérer ses futurs opérateurs ? Le surcoût appliqué aux transports de marchandises finira inévitablement par être répercuté sur le consommateur final, dont le pouvoir d’achat a déjà considérablement souffert. Après les Bonnets rouges et les Gilets jaunes, il reste assez de choix dans les styles de vêtements et la palette des couleurs pour contrarier l’avancée de cette taxe d’usage sur les routes.
Sandrine Garnier