Rangées en épis, les navettes Navya sont-elles déjà devenues des véhicules de collection? On pourrait le croire si on ne connaît pas le contexte de cette mise en scène. Elle était organisée pour les besoins de la célébration, mi-juin à Saint Vallier (Saône-et-Loire), des 100 ans de l’entreprise Metalliance, la filiale industrielle du groupe Gaussin. Celui-ci est donc depuis avril le nouveau propriétaire (51%) avec le Japonais Macnica (49%) de Navya. En 2025, c’est dans cette usine de Saint-Vallier que les unités seront assemblées. Preuve que le produit bouge toujours, des véhicules faisaient l’aller et retour pour transporter les invités sur le site en traversant un terrain non goudronné.
«Ici nous roulons à 8 km/h et en temps normal nous sommes limités à 18 km/h», détaillait un superviseur. «En fait, les navettes autonomes n’existent pas en Europe, les débouchés sont en Asie où certains pays viennent d’autoriser le niveau 4», complète un autre salarié. Dans cette nouvelle phase qui s’ouvre pour le concurrent d’Easymile et de Milla, l’heure n’est plus à l’esbroufe marketing. Le discours a été comme passé à la paille de fer. Il faut dire que la start-up trop sûre d’elle a frôlé la mort.
«Il y a quelques temps, nous avions proposé à Navya une JV, cela n’a pas pu se faire, finalement ils se sont retrouvés les deux genoux à terre, retrace Christophe Gaussin, le patron du groupe éponyme. Macnica, qui réalise plusieurs milliards de chiffre d’affaires, est venu nous trouver en expliquant qu’ils pouvaient distribuer les véhicules au Japon, continue-t-il en imaginant les débouchés internationaux. Dubai veut 30% de véhicules autonomes en 2030». Il y a donc de l’espoir.
Mais pour l’heure, c’est la santé financière de Gaussin qui inquiète. «C’est Macnica qui apporte les fonds pour Navya», signale Christophe Gaussin, toujours en quête de cash. Malgré la levée de 15 M€ cette année, l’entreprise cherche 30 M€ de plus! Sur la plateforme de financement participatif Lumo, «nous en avons collecté 4 sur 8 M€» signale le PDG qui, au cours des festivités, a adressé un appel du pied direct aux élus. Une société d’économie mixte locale est pourtant venue en aide au groupe Gaussin. Elle lui loue à prix d’ami un bâtiment à Saint-Vallier, dont il a besoin pour la commande Amazon. L’avenir de la PME franc-comtoise dépend beaucoup de sa capacité à livrer d’ici la fin de l’année 329 premiers ATM, des engins de manutention logistique électriques dont l’assemblage commence à s’organiser chez Metalliance.
«Nous allons installer 2 agences d’intérim sur le site car il faut recruter 150 personnes», explique le responsable du projet. Si le pari est réussi, l’ogre du e-commerce pourrait lever des options pour des engins en version autonomes. En attendant, c’est le transport urbain, avec ses projets de métro partout dans le monde, qui assure une stabilité à l’ensemble. Le carnet de commande de la société, fameuse pour ses engins de chantier sur pneu (transport de voussoir, de personnel etc.) est bien garni. Des engins partiront bientôt pour Singapour, l’Amérique latine, l’Europe.
Marc Fressoz