Huit Régions françaises ont engagé un recours auprès du Conseil d’Etat afin de contester les tarifs des péages appliqués par SNCF Réseau pour la période 2024-26. Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Hauts-de-France, Île-de-France, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Grand Est jugent «insoutenable» le niveau d’augmentation des péages (8% par an en moyenne) établi par SNCF Réseau dans le Document de référence du réseau ferré national (DRR) rendu public en novembre 2022. Les Régions reprochent aussi au gestionnaire du réseau un manque de transparence sur le calcul de ces augmentations. Elles ont pu exposer les motifs de leur démarche lors d’une audience qui s’est tenue le 10 janvier. Le Conseil d’Etat rendra sa ou ses décisions d’ici plusieurs semaines… D’autres Régions ont choisi quant à elles d’attaquer le DRR auprès du tribunal administratif, à l’instar de Provence Alpes Côte d’Azur.
En Nouvelle-Aquitaine par exemple, «l’horaire de service pour 2024 prévoit une augmentation de 5,3% pour la redevance d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, soit 11 M€ de plus», indique Renaud Lagrave, vice-président aux Transports. Et la hausse des péages ferroviaires va se poursuivre en 2025 avec une augmentation de 4,3% et en 2026 avec 3%. «Cela fait des années que nous protestons contre l’évolution des péages, sans obtenir gain de cause. Nous avions adopté un avis négatif en séance plénière début 2023 à ce sujet, et nous avions alors indiqué notre intention de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat, poursuit Renaud Lagrave. Nous ne pouvons pas continuer à augmenter l’offre ferroviaire dans ces conditions.»
Une stratégie fixée par le contrat de performance de SNCF Réseau
Conformément à la loi, le DRR 2024-26 avait pourtant fait l’objet d’un examen par l’Autorité de régulation des transports (ART), qui avait rendu un avis globalement favorable en février 2023. L’autorité soulignait toutefois que les redevances n’étaient pas soutenables pour 6 Régions: Bourgogne-Franche-Comté ; Bretagne ; Centre-Val de Loire ; Grand Est ; Hauts-de-France ; Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’ART avait précisé que «la soutenabilité des redevances ne pourrait être assurée tant que n’auront pas été réalisés des travaux approfondis sur la structure tarifaire, fondés sur une analyse suffisamment fine du marché aval». L’avis revient ainsi largement sur les raisons de l’augmentation des péages, qui trouvent leur source dans le contrat de performance signé entre l’Etat et SNCF Réseau. Ce contrat vise une amélioration de la couverture du coût complet, qui doit passer de 75 % en 2021 à 86 % en 2030. Une stratégie qui devrait permettre à SNCF Réseau de sortir du rouge (-1,36 Md€ en 2021) et de disposer d’une trésorerie de 70 M€ dès 2024, avant d’atteindre 1,39 Md€ en 2030. Ce retour à l’équilibre repose largement sur les Régions, comme le pointe l’avis de l’ART: «s’agissant des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs, qui représentent les deux tiers des trains-kilomètres circulés sur le réseau ferré national, les autorités organisatrices de transport financent un peu plus du tiers des redevances applicables à ces services».
La démarche engagée par les Régions auprès du Conseil d’Etat constitue donc une nouvelle forme de remise en cause du contrat de performance 2021-2030, signé en avril 2022, à la veille de l’élection présidentielle, malgré les critiques. L’ART avait d’ailleurs dénoncé des incertitudes sur les ressources financières liées aux péages, pesant sur les moyens consacrés à la modernisation, et un risque de paupérisation industrielle. Les Régions mettent ainsi l’accent sur les contradictions du Gouvernement. D’un côté, le chef de l’Etat lui-même fait la promotion des SERM, et de l’autre, SNCF Réseau manque de moyens et doit faire payer les Régions, dont les contribuables, pour assurer davantage de circulations. Un message implicite pour le futur ministre des Transports du Gouvernement Attal? L’actuel titulaire du portefeuille, Clément Beaune, avait d’ailleurs confié une mission sur ce sujet au conseil général du développement durable. Qu’adviendra-t-il du rapport une fois finalisé? Tout dépendra des arbitrages rendus à Bercy.
Sandrine Garnier