« Solutrans est un véritable outil d’aide à la décision »
Transition énergétique et zones à faible émission sont les grands thèmes de la prochaine édition de Solutrans, qui se tient à Lyon du 21 au 25 novembre 2023. Aux manettes de ce carrefour européen du véhicule industriel et urbain, Patrick Cholton, également président de la fédération française de carrosserie (FFC).
Propos recueillis par Sandrine Garnier
Mobily-Cités : Comment l’édition 2023 de Solutrans s’annonce-t-elle ?
Patrick Cholton : Nous avons bouclé la vente de nos espaces d’exposition à 5 mois su Salon, ce qui démontre l’intérêt de la filière pour cet évènement, devenu au fil des années la référence européenne du secteur. Solutrans n’est pas seulement un salon, mais un espace d’échanges entre professionnels, l’occasion de faire du business, de mettre en avant les bonnes pratiques, et de réfléchir tous ensemble sur les grands enjeux liés à la transition énergétique.
Nous allons proposer aux visiteurs un parcours en trois étapes : présentation des différentes solutions énergétiques, essais de véhicules, et financement (banque/assurance). Tout le monde a déjà entendu parler d’électrique, de GNC ou d’hydrogène, mais dans la réalité, peu de transporteurs savent réellement ce qu’il en est. Nous allons favoriser le partage d’expérience et la pédagogie, pour apporter un maximum d’information et d’aide à la décision.
Entre les ZFE et la fin programmée du moteur thermique, le véhicule industriel est au centre des évolutions technologiques et réglementaires. Comment le secteur vit-il ces transformations ?
Les objectifs de la commission européenne ne tiennent pas forcément compte des délais nécessaires aux constructeurs pour proposer une gamme complète de véhicules décarbonés, à des prix qui vont permettre aux transporteurs de sauvegarder leurs marges. Parallèlement, les constructeurs doivent investir massivement pour basculer vers l’électrique, mais aussi pour faire évoluer les modèles thermiques conformément aux attentes de la norme Euro 7. Les orientations stratégiques établies au niveau européen ou au niveau national doivent gagner en cohérence et en lisibilité pour permettre aux professionnels de se préparer et d’anticiper leurs investissements.
Certains discours sur le déploiement de l’électromobilité peuvent sembler surprenants, en tout cas déconnectés de la réalité. Comment faire mieux entendre le ressenti des transporteurs ?
Nous avons présenté en 2021 le premier opus de notre étude baptisée Vision’Air, réalisée de façon totalement indépendante, et portant sur les anticipations des professionnels, qui aboutit aux mêmes conclusions que les fédérations de transporteurs : le mix énergétique va subsister pendant plusieurs dizaines d’années. Nous allons présenter l’actualisation de cette étude à l’occasion du prochain Salon Solutrans. La conversion des flottes ne peut pas être réalisée en quelques années. On compte environ 600.000 poids lourds dans notre pays, à comparer aux 5.000 immatriculations annuelles, dont à peine quelques centaines ne sont pas des véhicules thermiques. Tous les cas d’usage ne peuvent pas être adressés par l’électrique ou l’hydrogène à court ou même à moyen terme. Et il faut bien garder à l’esprit que le décideur, c’est le client final, celui qui va acheter un poids lourd, et que 90% des transporteurs sont des PME qui n’ont pas les moyens d’investir dans des véhicules 1,5 à 4 fois plus chers que leurs équivalents diesel. En réalité, le gouvernement n’a pas d’outil pour suivre ce qui se passe sur le terrain.
La décarbonation des véhicules n’est d’ailleurs pas le seul vecteur d’efficacité énergétique dans la logistique. Avec les ZFE, c’est l’ensemble des processus qui vont être impactés…
Ce n’est pas un hasard si cette thématique des ZFE va constituer un des fils rouges de Solutrans 2023. Leur déploiement est censé s’accompagner par la création d’hotels logistiques, à partir desquels devront être dispatchées les livraisons, ce qui suppose une transformation de la flotte, avec davantage de VUL. Il faudra donc organiser ces hubs à différentes échelles. Dans les villes, on va assister à la transformation d’une partie des parkings souterrains en espaces de stockage des marchandises, où viendront s’approvisionner des flottes de vélos cargos, par exemple… Mais au préalable, il faut que la réglementation évolue pour permettre la réaffectation d’une partie des surfaces actuellement dédiées au stationnement. Le développement des livraisons par voie fluviale fait également partie des solutions envisagées. Là encore, cette organisation nécessite la mise en place de plateformes multimodales. Tout cela prend du temps, et nécessite un accompagnement financier.