Depuis le 22 avril, le car rétrofité hydrogène effectue des dessertes en service commercial sur la ligne Evreux – Rouen. Il aura fallu près de trois ans, depuis le lancement officiel du projet en juin 2021, pour voir le véhicule enfin en service sur la ligne 216 du réseau Nomad. Parti le premier dans la course à l’homologation, le projet normand a dû essuyer les plâtres avant d’obtenir le précieux sésame, à la mi-février. Après le développement du prototype, «il va falloir passer de l’expérimentation à un modèle réplicable dans les prochains appels d’offre», a déclaré Hervé Morin, président de la Région Normandie, lors de l’inauguration du véhicule, le 19 avril.
Premier du genre, le Crossway transformé par la société IBF H2 a coûté plus de de 1 M€ (coûts d’homologation compris), dont Transdev a financé le tiers! Une enveloppe absolument incompatible avec l’industrialisation indispensable au modèle économique du rétrofit: le procédé cible les véhicules Euro 5 déjà amortis, et permet de leur donner une seconde vie tout en les dotant d’une motorisation zéro émission. «Le rétrofit hydrogène délivre un double message de sobriété et de réutilisation», souligne Thierry Mallet, président de Transdev. Reste donc à réussir le passage à l’échelle: pour rencontrer son marché, IBF H2 annonce un prix du rétrofit aux environs de 350.000€. Rien qu’en Normandie, 800 autocars seraient ainsi «rétrofitables».
L’effort financier consenti sur ce projet se justifie pleinement par le fait «d’être à la pointe de l’innovation», déclare Edouard Hénaut, directeur général France de Transdev. Mais démarrer en tête ne suffit pas. «Nous allons maintenant monitorer le véhicule et continuer à accompagner la collectivité», poursuit-il. Le comportement de l’autocar rétrofité sera scruté de près pour mieux connaître la réalité des coûts opérationnels, et évaluer plus précisément son TCO réel. L’avenir du rétrofit hydrogène dépend aussi très largement du prix de la molécule, de son bilan carbone ainsi que de sa disponibilité. Installée grâce au soutien du programme européen EAS-HyMob, la station d’avitaillement multi-énergies du Vieil Evreux est certes équipée d’un électrolyseur, qui lui permet de produire de l’hydrogène vert, et d’une borne de charge à 700 bars, mais elle ne peut alimenter qu’un seul poids lourd par jour, et le coût du plein reste prohibitif. Difficile dans ce contexte de soutenir la filière pour arriver à la massification des usages liés à la mobilité.
Comme les autres solutions de rétrofit, le car normand vient combler un manque: il n’existe pas, à l’heure actuelle, de car longue distance à faible émission. Avec ses 450 km d’autonomie, ce véhicule peut donc être utilisé sur des dessertes régionales. De plus, Evreux-Rouen est emblématique des lignes express appelées à «jouer un rôle croissant dans l’offre de mobilité en périphérie des métropoles et dans les territoires ruraux», a souligné Thierry Mallet, en complément du ferroviaire, notamment les Services express régionaux métropolitains (SERM). Mais pour les développer, il faudra disposer de véhicules adaptés à des prix accessibles.
Sandrine Garnier