«Monsieur le Président, c’est maintenant!» Signé par 60 députés et sénateurs, essentiellement LR, centristes, mais aussi communistes et socialistes (et même le député Renaissance Joël Giraud!), l’appel lancé le 12 avril au Président de la République vise à accélérer la réalisation des voies d’accès au Lyon – Turin. Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) remis à la Première ministre fin février, préconise en effet de repousser au-delà de 2045 la section française du Lyon-Turin, soit près de 15 ans après la mise en service du tunnel sous les Alpes en cours de creusement, mais aussi de la section italienne. Pour les élus favorables au projet, ce report a quasiment valeur d’un enterrement. En effet, la déclaration d’utilité publique prononcée en 2013 deviendra caduque en 2028, et son renouvellement serait alors incertain, faute d’engagement opérationnel. De plus, la France n’a pas déposé de demande de financement à Bruxelles pour engager les travaux de raccordement. Le COI considère que les travaux de modernisation entrepris sur la ligne Dijon – Modane suffiront à accroître le trafic fret et passagers, ce que contestent les élus signataires de l’appel. «Pour multiplier par quatre le volume de fret, il faudrait faire circuler un train toutes les 10 minutes 24 heures sur 24, assure Emilie Bonnivard, députée LR de Savoie. C’est absolument inenvisageable sur cette ligne qui traverse des zones urbaines, dont la ville de Chambéry. Sans voies d’accès au Lyon – Turin, il n’est pas possible non plus de développer le projet de RER métropolitain lyonnais.»
Les parlementaires réfutent également l’argument financier. Le coût des voies d’accès est de 7 Md€, dont 50% financés par l’Union européenne, tout comme la portion transfrontalière (8,6 Md€) qui doit être mise en service en 2032. La France en finance seulement 20% (et l’Italie 30%) pour compenser justement les coûts des infrastructures de raccordement (140 km côté français, 60 côté italien). Quant aux études d’avant-projet détaillé, dont le lancement est demandé par les signataires de l’appel à Emmanuel Macron, elles nécessitent une enveloppe de 150 M€ sur 5 ans. Ils rappellent que le Lyon-Turin doit permettre de basculer sur le rail 1 million de camions par an, alors que 47 millions de tonnes de marchandises transient entre a France et l’Italie. Un retard côté français pourrait se traduire par une impossibilité à prendre en charge le fret qui arrivera côté italien… sans parler du développement du trafic passagers, indispensable pour rendre attractif le trajet en train entre Paris et Milan, qui prend actuellement 7 heures. Cette initiative transpartisane aura-t-elle gain de cause, alors que les écologistes sont opposés au Lyon – Turin, qu’ils considèrent comme un méga-projet inadapté? Des associations locales ont d’ailleurs demandé l’arrêt du projet il y a quelques semaines. Le Gouvernement, qui peine à sortir de la crise sociale liée à la réforme des retraites, redoute vraisemblablement la constitution de nouvelles ZAD, alors que l’opposition a déjà été très forte côté italien… L’exécutif devra en tout cas reprendre la parole à court terme sur les moyens dédiés au ferroviaire. Auditionné le 12 avril par la commission des finances de l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Farandou, a demandé une programmation pluri-annuelle et des financements pérennes, sans quoi, le plan de soutien au rail assorti de 100 Md€, annoncé justement par Elisabeth Borne à l’occasion de la remise du rapport du COI, «ne se fera pas», a déclaré le président de la SNCF.
Sandrine Garnier