« La mobilité, c’est l’accès à l’émancipation, à l’emploi, à la découverte »
BreizhGo a connu une évolution constante depuis la première prise de compétence directe autour du réseau TER, en 2002.
L’offre BreizhGo propose aujourd’hui 3 modes différents, trains/cars/bateaux, qui permettent de relier les principales villes bretonnes, d’être connecté aux îles, tout en desservant finement l’ensemble du territoire. Avec 400 circulations ferroviaires quotidiennes, 60 millions de voyages réalisés par an et 100 000 scolaires transportés par jour, notre réseau est rentré dans le quotidien des Bretonnes et des Bretons. Les effets combinés de l’augmentation des prix des carburants, de la hausse du nombre de déplacements par citoyen et de leur nécessaire décarbonation constituent aujourd’hui un immense défi à relever.
En Bretagne, 87% des déplacements se font en voiture. Les transports pèsent pour plus d’un tiers des émissions de CO2, et le fret ferroviaire représente seulement 1% du transport de marchandises. Cela démontre bien l’ampleur des enjeux qui sont les nôtres mais je suis persuadé qu’en pensant différemment nos politiques publiques, nous allons réussir ce défi.
Notre premier levier, c’est le report modal vers les modes décarbonés, et donc d’abord le train.
Nous avons mené une étude prospective sur l’offre TER jusqu’en 2040, qui nous dit que seul un développement ambitieux de l’offre pourra générer le report modal escompté pour approcher les objectifs de neutralité carbone. Et nous ressentons chaque jour l’attente grandissante des citoyens puisque la Bretagne est la première Région de France en croissance de fréquentation par rapport à 2019, mais aussi la meilleure en matière de régularité des TER cette année, ce qui montre bien que les citoyens plébiscitent les transports collectifs lorsque la fiabilité est au rendez-vous.
Notre convention avec la SNCF court jusqu’en 2028 et jusqu’à présent, la Région Bretagne en est satisfaite. Nous avons également une convention TGV à 13 M€ par an qui permet aux TGV de circuler jusqu’à Brest et Quimper, en desservant des villes intermédiaires comme Lannion, Vannes, Plouaret ou Quimperlé. Cette dimension est essentielle pour l’équilibre territorial de la Bretagne. A l’avenir, il faudra voir si la SNCF est capable de conserver cette fiabilité tout en permettant à la Bretagne d’être une terre d’innovation en matière de mobilités.
Nous avons également de gros enjeux sur les routes, même si la Région et les départements bretons n’ont pas souhaité récupérer les routes nationales par manque de garanties financières de l’Etat. Cela ne nous empêche pas d’être présents pour financer des aménagements routiers pour les transports collectifs, des aires de covoiturage, et même de cofinancer avec l’Etat la mise à 2×2 voies de la RN164, fait unique en France pour ce projet historique qui permet de désenclaver le Centre-Bretagne.
Nous voterons également début 2024 notre premier Plan régional vélo qui doit permettre de développer un véritable système vélo en Bretagne. Les enjeux sont conséquents car nous savons qu’il y a un gros potentiel de décarbonation des mobilités pour les trajets inférieurs à 5 kilomètres, que ce soit pour les trajets domicile-travail, pour les loisirs, et même le transport scolaire. Ce qui a fait défaut jusqu’à aujourd’hui, ce sont les infrastructures cyclables. Je plaide pour que les collectivités se mobilisent collectivement sur ce sujet dans leurs compétences respectives mais en se coordonnant.
J’ai aussi une attention particulière pour les territoires peu denses : les mobilités sont aussi un enjeu de justice sociale et si la part modale de la voiture est aussi importante à certains endroits, c’est aussi parce que les infrastructures cyclables ou les transports collectifs ne sont pas suffisants. Nous devons faire plus car la mobilité, c’est aussi l’accès à l’émancipation, à l’emploi, à la découverte, à tout ce qui ne participe pas au repli sur soi.
Notre second levier, c’est la transition énergétique de notre réseau BreizhGo.
Il s’agit ici de concilier innovation technologique, continuité et fiabilité du service public, et capacité d’investissement : l’équation n’est pas simple mais les défis à relever passionnants. Sur le train, 95% de nos voyageurs circulent sur des lignes électrifiées et des réflexions sont en cours avec Régions de France pour remplacer nos matériels diesel par de l’hydrogène.
La transition de notre flotte de bateaux est également un enjeu : il y a matière à innover dans ce domaine et le projet Hylias que nous portons pour une vedette à passagers afin de desservir l’île d’Arz en est la preuve. Nous amorçons également la transition énergétique de nos cars scolaires et interurbains vers le bioGNV au gré du renouvellement de nos DSP. Le cap à tenir est d’avoir baissé nos émissions CO2 de 68% à l’horizon 2030 pour être au rendez-vous de nos objectifs.
Tous ces projets constituent une feuille de route ambitieuse pour la Bretagne et je suis très fier de pouvoir les porter avec Michaël Quernez, vice-président en charge des Mobilités et du Climat. Mais le nœud gordien reste le même : comment les financer, alors que la fiscalité des Régions n’est pas construite pour permettre de tels investissements ?
Nos ressources fiscales à pouvoir de taux sont aujourd’hui constituées de la taxe sur les cartes grises et de la TICPE, et ne représentent plus que 9% des ressources de la Région Bretagne. Les ressources liées à cette dernière n’ont pas augmenté malgré l’explosion du prix de l’essence puisque la part Région est plafonnée. Quant à l’assiette fiscale des cartes grises, elle s’est effondrée en même temps que les ventes de voitures au moment de la crise Covid. Je note que ces deux ressources liées aux énergies fossiles ont de toute manière vocation à disparaître à moyen terme, et qu’aucune ressource n’est pour l’instant amenée à les remplacer.
La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) votée en 2019 aurait pu constituer une partie de la réponse en étendant le champ du Versement mobilité aux Régions, mais cette solution n’a pas été retenue par le gouvernement. Dans sa dimension territoriale, la LOM a par ailleurs invité les EPCI à devenir Autorités Organisatrices de Mobilités, et cela a rencontré un franc succès en Bretagne puisque 95% des intercommunalités sont désormais compétentes. Je trouve sain que des collectivités puissent se saisir d’une compétence devenue aussi importante et proche du quotidien des bretonnes et des bretons. Mais avec quels moyens pour l’exercer ? Je pense particulièrement aux Communautés de Communes, avec qui nous avons signé nos premiers contrats opérationnels de mobilités, qui ne disposent pas toujours de l’ingénierie nécessaire pour porter de tels projets, et qui ne peuvent pas toujours lever du Versement mobilité en raison d’une assiette insuffisante ou pour éviter la concurrence territoriale. C’est donc la Région qui vient finalement mobiliser ses fonds propres, alors qu’elle ne dispose pas de ressources.
Il sera essentiel de garder en tête ces dimensions lors du bilan de la LOM même si d’ici là, la Bretagne s’organise. Mes échanges avec les maires et les EPCI sur les biais de la LOM nous conduisent finalement à anticiper les changements nationaux et à trouver des solutions localement. L’une d’entre elles, c’est la création de notre syndicat de transports Bretagne Mobilités.
Bretagne Mobilités, c’est d’abord la volonté de faire mieux ensemble à la bonne échelle, qui est celle des bassins de mobilités.
L’investissement dans les infrastructures est essentiel et j’ai eu l’occasion de le dire, mais je promeus également une approche servicielle des mobilités car je suis convaincu que l’usager se moque de savoir qui gère le réseau de transports qu’il emprunte : le principal, c’est de pouvoir aller de Rennes à Ouessant par le train, par le car, puis par le bateau avec le moins de contraintes possibles. Et cela passe par une coordination sans faille des réseaux, mais aussi par de la billettique et de l’information voyageurs de qualité.
Nous avons déjà un actif très puissant en Bretagne qui s’appelle KorriGo Services et qui fête ses 20 ans cette année. Cette carte unique permet aux usagers de charger leurs titres de transports de 12 réseaux différents en Bretagne. Elle montera en puissance dans les années à venir en devenant la carte des services publics puisque les bretonnes et bretons pourront emprunter à la bibliothèque, jeter leurs ordures à la déchetterie, ou aller à la piscine avec cette carte. C’est un sésame précieux qui est amené à prendre une dimension encore plus importante.
La gestion des données dans les mobilités est aussi un enjeu stratégique qui passe souvent sous les radars. Bretagne Mobilités a aussi vocation à fédérer les acteurs dans ce domaine car je considère que maîtriser ces données, c’est mieux comprendre les flux, les zones et causes d’insécurité, les comportements et donc le moyen d’offrir un meilleur service. C’est aussi un enjeu de souveraineté qu’il ne faut pas oublier : souhaitons-nous être dépendants des GAFAM à l’avenir dans ce secteur ?
Bretagne Mobilités, c’est enfin la capacité de travailler ensemble pour un projet donné et de lever une ressource supplémentaire pour le financer si les EPCI concernés et la Région Bretagne le souhaitent : tant que la fiscalité des transports n’aura pas évolué, le Versement mobilités additionnel demeure une option même si dans les dispositions actuelles de la loi, son potentiel n’est pas à la hauteur des enjeux que nous rencontrons. Il faudra que cela évolue.
Les défis sont immenses mais la Bretagne est armée pour relever ces défis, et je suis persuadé qu’elle y arrivera pour améliorer les mobilités quotidiennes de l’ensemble des Bretonnes et des Bretons.