En langage d’expert, la sécurité dans les transports concerne les systèmes. Pour les personnes, on parle de sûreté. En langage politique, la sécurité est un thème hautement sensible, que le sénateur LR Philippe Tabarot s’empresse de «décliver» en commençant par rendre hommage à la loi Savary, «un ministre socialiste», en présentant à la presse sa «proposition de loi (PPL) relative au renforcement de la sûreté dans les transports». Co-signé par une centaine de sénateurs de diverses sensibilités politiques, le texte vise à renforcer les moyens d’action des forces de l’ordre, à fluidifier leur coopération, pour leur permettre d’agir plus efficacement au bénéfice de l’ensemble des usagers et des personnels des réseaux de transports publics. «Avec plus de 124.000 usagers victimes de vols et de violence en 2022, et une augmentation de 13% des violences sexistes et sexuelles, l’insécurité dans les transports est une réalité», assure Philippe Tabarot. Le sénateur souhaite s’emparer des solutions apportées par les nouvelles technologies, y compris l’IA et les traitements algorithmiques, et pérenniser une partie des dispositions qui seront prises durant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris pour répondre notamment aux menaces terroristes.
La proposition de loi qui compte 19 articles prévoit donc de renforcer le volet préventif, en donnant davantage de moyens aux agents de terrain, et en les intégrant au continuum de sécurité. L’objectif est aussi de mieux coordonner les interventions de la SUGE, qui dépend de la SNCF, du GPSR (RATP), des polices locales des transports et des polices municipales. «Aujourd’hui, il est par exemple impossible pour les équipes de la SUGE ou du GPSR d’interdire l’accès à une gare à un individu alcoolisé et menaçant. Il faut attendre qu’il ait pénétré dans l’enceinte du bâtiment voyageurs pour le faire sortir», indique le sénateur, qui a constaté par lui-même ces problèmes de périmètre en effectuant des visites de terrain. Il se souvient aussi, à l’époque où il était vice-président de la Région Provence Alpes Côte d’Azur en charge des Transports, de l’intermodalité et de la sécurité, d’avoir été confronté à ces limites administratives à l’occasion de l’attentat terroriste de 2017, qui avait coûté la vie à deux jeunes femmes sur le parvis de la gare de Marseille Saint-Charles. Autres bizarreries administratives: les agents de la SUGE n’ont pas la possibilité de contrôler les services de transport routier interurbains; si un conducteur de bus perd son permis B, son employeur n’en est pas systématiquement informé… Philippe Tabarot propose aussi de muscler le volet répressif, avec notamment la création d’un délit d’incivilité d’habitude, mais aussi la possibilité de sanctionner par une amende de 4e catégorie les propriétaires de bagages oubliés trop souvent… Enfin, le texte aborde la question des ressources humaines et du recrutement.
Déposée le 28 décembre, la proposition de loi sera examinée à partir du 12 février en séance. D’ici là, les Commissions des lois et du Développement durable du Sénat vont auditionner les représentants du secteur, à commencer par Jean Castex, président de la RATP, et Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF. Philippe Tabarot espère ensuite que sa PPL sera soutenue par le Gouvernement, et reprise à l’Assemblée nationale avant l’été. Autant d’étapes à venir, qui permettront de compléter et de préciser le texte. «Une proposition de loi n’a pas vocation à trop entrer dans le détail», explique Philippe Tabarot, qui veut laisser toutes ses chances à ce texte. Certaines mesures sensibles, comme les demandes de la présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse, de gérer sa propre police des transports, n’ont pas été intégrées à cette première version. Reste le délicat sujet des données personnelles. Philippe Tabarot réfute toute atteinte aux libertés individuelles, mais rappelle sans hésiter que «la sécurité est la première des libertés publiques».
Sandrine Garnier
