Le covoiturage domicile – travail est-il pertinent pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre? L’étude rendue publique par le Forum vies mobiles et la Fabrique écologique propose une évaluation des politiques publiques de soutien à ce mode, neuf mois après le lancement du plan covoiturage gouvernemental. Ce plan, qui subventionne conducteurs et plateformes, a pour ambition de faire passer le nombre de trajets covoiturés de 900.000 à 3 millions en 2027. Il vient en complément de l’intégration du covoiturage aux offres de mobilité déployées par les collectivités autorités organisatrices de mobilité, voulue par la LOM.
Le constat posé par le rapport est plutôt sévère : en choisissant de s’appuyer uniquement sur covoiturage organisé par des plateformes, l’action publique a réduit son périmètre sur un objet déjà très marginal, puisque le covoiturage concerne 0,5% des trajets locaux. Certes, le potentiel d’optimisation peut paraître important. Mais les auteurs de l’étude pointent la différence entre le nombre de sièges vides à bord des voitures en circulation et les trajets réellement covoiturables. Et même si le nombre de trajets réalisés via les plateformes a été multiplié par deux, les résultats restent «dérisoires», souligne l’étude : 0,04% des kilomètres parcourus sur des trajets du quotidien au 1er semestre 2023. De plus, une partie des trajets covoiturés sont effectués en doublon des transports en commun, donc sans aucune efficacité environnementale. Certaines collectivités ont d’ailleurs décidé de ne plus subventionner ce type de trajets. Il n’en reste pas moins que certains services coûtent plusieurs dizaines d’euros par trajet aux AO.
Pour les auteurs, le développement du covoiturage ne peut en aucun cas produire les effets escomptés par le Secrétariat général à la Planification écologique, qui estime que le covoiturage devrait contribuer à hauteur de 12% à la baisse des émissions carbonées du transport de personnes d’ici 2030. Ils préconisent de prendre des mesures plus structurantes, à commencer par un choc d’offres de transports publics. Une option plébiscitée par Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole du Strasbourg et administrateur du Gart, invité par le Forum Vies mobiles lors de la présentation de cette étude. Il a aussi plaidé pour «ne pas jeter le covoiturage avec l’eau du bain». Quant à l’évaluation des politiques publiques, «pourquoi ne pas commencer par le soutien au prix des carburants, qui a coûté 8 Md€», a-t-il poursuivi. Le covoiturage est-il trop coûteux en argent public? «A Strasbourg, les dépenses liées au covoiturage représentent 150 à 200.000€ sur un budget Mobilité de 250 M€ par an. Il faut relativiser», a-t-il ajouté. Un plaidoyer renforcé par David Belliard, adjoint aux Mobilités à la Mairie de Paris: «Le covoiturage est essentiel dans l’appropriation des nouveaux usages de la voiture. S’il reste marginal dans Paris intra-muros, il est tout à fait pertinent pour certains territoires de la Région Ile-de-France.» La Ville de Paris milite d’ailleurs pour la mise en place d’une voie dédiée au covoiturage sur le boulevard périphérique, en pérennisant la voie réservée aux JOP 2024.
Sandrine Garnier