Le bioGNV a-t-il un avenir dans le TER?

17 01 2024 | Actualités

A l’heure où le monde des transports publics se bat pour préserver le bioGNV dans l’urbain et l’interurbain, faut-il soutenir également le recours au gaz vert pour alimenter les TER? Une étude Ademe effectuée en partenariat avec GRDF, Systra et le cabinet SIA Partners fait le point sur les perspectives de cette solution en France. Remplacer le diesel par du biogaz permettrait de réduire les émissions polluantes sur les portions de lignes non-électrifiées, et même de décarboner les trajets en ayant recours au bioGNV. «En 2022, 3.000 trains de fret et de voyageurs circulaient toujours avec un moteur diesel», pointe l’étude, qui s’emploie à démontrer la pertinence des trains alimentés par du bioGNV, particulièrement dans le cas des liaisons régionales. 18% des trains-km TER sont réalisés par des motrices thermiques, et 25% en bi-mode, ce qui représente 63% des émissions de gaz à effet de serre (GES) globales des activités ferroviaires voyageurs. La conversion au GNL ou au GNC permettrait de réduire ces émissions de 85%, ainsi que le TCO des matériels ferroviaires en comparaison avec le gazole. De plus, la technologie se prête au rétrofit. L’étude propose ainsi une cartographie des lignes éligibles: 49 lignes de TER et 41 lignes de fret non électrifiées de plus de 40 km, à proximité des ateliers de maintenance et dépôts de carburants existants.

Mais si le train biogaz peut sembler une bonne idée sur le papier, la concrétisation reste symbolique. Peu connu en France, le train GNV est (timidement) présent aux Etats-Unis et au Canada (respectivement 40 et 6 locomotives en circulation depuis 2012), en Russie (27 locomotives et 24 en projet), en Inde (50 locomotives), en Espagne (3 locomotives depuis 2017). D’autres pays européens ont des projets limités à quelques unités, comme l’Italie, la Norvège, la Suède… Seule l’Argentine a signé en 2022 un contrat avec l’entreprise états-unienne OptiFuel pour la conversion de 400 locomotives de fret (reste à savoir si le marché pourra effectivement être réalisé).  En France, une expérimentation a été lancée en Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre de Ferrocampus. A part ça, il faut bien reconnaître que l’offre de matériel roulant n’est pas au rendez-vous. Alstom n’a que peu d’intérêt pour cette technologie et s’est orienté vers des solutions à base d’hydrogène, ou bi-mode gazole-électrique, qui répondent aux attentes de la SNCF en matière de décarbonation. Et les trains régionaux potentiellement concernés sont tous équipés de moteurs diesel MAN, qui ne s’est pas non plus engagé dans leur conversion au gaz. Quant aux Régions, propriétaires du matériel roulant, même si certaines pourraient être intéressées par la transformation des locomotives X73500, elles manquent de moyens financiers pour porter véritablement d’autres options technologiques. Au regard des coûts de développement, les industriels privilégient logiquement les grandes séries.

Alors, comment faire émerger une filière du TER biogaz en France ? «La décision est dans le camp des pouvoirs publics, qui pourraient par exemple lancer un appel à manifestation d’intérêt. La préparation de l’étude nous a permis d’identifier une attente de la part de certaines Régions, comme la Nouvelle-Aquitaine, les Hauts-de-France et Grand-Est, indique Maria Lee, consultante chez SIA Partners. Quand on sait que pour le prix d’un train à hydrogène, on peut effectuer la conversion de 15 TER au GNV, il est difficile d’écarter purement et simplement cette technologie.» Ces arguments suffiront-ils à convaincre? Là encore, on bute sur la logique industrielle et les arbitrages stratégiques. Le recours au biogaz dans la mobilité continue de faire l’objet d’un débat au niveau européen, sur fond de choix en matière de mix énergétique. Dans les pays qui n’ont pas ou peu développé le nucléaire, le biogaz apparaît comme un vecteur de décarbonation pour le secteur industriel.

Sandrine Garnier

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