Laurent Probst ile de france mobilité
Laurent Probst
Directeur général d’Ile-de-France Mobilités

Bus : « La priorité à Paris, c’est de garantir de bonnes conditions de circulation »

Boudé par les usagers, pénalisé par une vitesse commerciale en berne, le réseau de bus parisien apparaît comme peu attractif et peu lisible. Il a pourtant fait l’objet d’une refonte totale en 2019, et devait servir de vitrine technologique pour les véhicules décarbonés. Selon Laurent Probst, directeur général d’Ile-de-France Mobilités, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

Propos recueillis par Philippe Enrico-Attal

Mobily-Cités : Le réseau de bus parisien a été réorganisé en 2019, sous le nom de Grand Paris des bus. Cette nouvelle offre a-t-elle rencontré son public ? Ce réseau n’est-il pas un idéal qui ne correspond pas à la réalité du trafic ?

Laurent Probst : Parallèlement au travail effectué sur le réseau de bus de Paris et petite couronne, nous avons opéré des restructurations similaires en banlieue, qui se sont traduites par une augmentation de l’usage de l’autobus. Avec une offre de + 15 %, on a constaté + 18 % de fréquentation supplémentaire. A priori, il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même à Paris. Entre temps, la crise sanitaire a fortement pesé sur l’usage du bus, et n’a pas permis de le voir repartir à la hausse. Mais on sait déjà que le Grand Paris des bus a conduit à ralentir la baisse. Dans Paris, il faut également tenir compte du métro, qui détourne les voyageurs du bus en raison de son efficacité.

La priorité à Paris, avant de modifier à nouveau le réseau, c’est de garantir de bonnes conditions de circulation, notamment à travers les couloirs de bus, qui ont parfois été malmenés par la création de pistes cyclables. Ensuite seulement, on pourra établir un retour d’expérience qui nous permettra de réaliser les ajustements nécessaires. On sait déjà que certaines lignes créées comme le 59 ont trouvé leurs voyageurs et qu’elles rendent un vrai service à ceux qui l’utilisent. Sur des lignes plus longues comme le 91 (le bus des gares) qui connaît des taux de charges très différents selon les sections, on s’interroge encore.

 

Le bus est souvent perçu comme le mode favori des personnes âgées. Avez-vous dressé une typologie des voyageurs ?

Oui, on l’a fait pour élaborer le réseau mis en place en 2019. Et nous continuons à collecter des informations sur la clientèle des bus via les enquêtes globales transport. Il est certain que le bus est utilisé par des personnes âgées, mais il ne faut pas oublier les scolaires, qui constitue l’autre grand groupe d’usagers, ainsi que des voyageurs de toutes catégories.

Le réseau de bus est assez complexe, et semble réservé aux habitués. Comment peut-on le rendre plus lisible et donc attractif ?
Dans les bus les plus récents, des panneaux dynamiques signalent les lignes en correspondance à chaque arrêt. La moitié du parc offre désormais cette fonctionnalité. On travaille également à une vaste renumérotation de l’ensemble des lignes d’Ile-de-France : Paris conservera ses deux chiffres, la petite couronne trois chiffres, mais en grande couronne, les lignes comporteront quatre chiffres pour éviter les doublons avec, comme à Massy-Palaiseau, deux lignes de deux opérateurs différents qui portaient le même numéro. On veillera à conserver l’ancien indice auquel seront ajouter des chiffres supplémentaires pour ne pas troubler les voyageurs. La renumérotation globale sur l’ensemble de la région fera l’objet d’un grand « big bang » d’ici environ un an.

Pour la matérialisation des arrêts à proximité immédiate d’un métro ou d’un RER, c’est plus compliqué. Nous sommes tributaires de l’espace attribué par les municipalités qui parfois peuvent les décaler un peu pour diverses raisons liées à la vie locale. C’est ce qui s’est produit par exemple à Bastille, où le réaménagement de la place a modifié la circulation des bus et la position des arrêts. Mais les applications mobiles comme celle d’IdFM donnent toutes les informations nécessaires aux voyageurs pour trouver l’emplacement des arrêts de bus.

 

Sur la transition énergétique des nouveaux bus, la part de l’électrique face au biogaz est passée de 80 % à 50 %. Est-ce que les objectifs du Plan Bus 2025, annoncés en 2015, n’étaient pas trop ambitieux ?

Nous sommes en train de convertir le parc pour qu’il soit propre en 2025 pour Paris et la petite couronne, et en 2029 pour la grande couronne. Reste à définir ce que l’on appelle un bus propre. Pour la Commission européenne, propre veut dire zéro émission. Or, la prise en compte des émissions au pot d’échappement laisse de côté un certain nombre de paramètres.
Le bilan CO2 de l’électrique n’est pas totalement neutre, notamment pour la production des batteries, et en raison des questions qui restent à éclaircir sur leur fin de vie. Et en exploitation, il dépend de l’origine de l’électricité. A l’inverse, le biogaz présente une empreinte énergétique quasiment neutre sur l’ensemble du cycle de vie, avec un TCO plus avantageux, une autonomie plus importante que l’électrique à batterie une technologie plus mature.

D’ailleurs, le gaz est également plus sécuritaire que l’électrique notamment en cas d’incendie. Les bus à gaz sont dotés d’une valve de sécurité qui permet d’évacuer le carburant rapidement. Les pompiers parviennent parfaitement à venir à bout d’un incendie sur un bus au gaz, alors qu’ils ne peuvent rien faire sur un bus électrique.

 

Mais le biogaz doit être interdit à partir de 2030 dans l’Union Européenne. Comment vous y préparez-vous ?

L’interdiction ne porte que sur les achats de nouveaux véhicules, pas sur ceux déjà en service. Le gaz est de toute façon une énergie de transition. On le supprimera dès que l’hydrogène sera en mesure de prendre le relais. Pour le moment, la plupart de l’hydrogène produit est de type gris, avec un bilan carbone très mauvais. On en est encore loin d’une production d’hydrogène vert à grande échelle et à des coûts acceptables. Et les constructeurs de bus ne sont pas encore tous prêts.

Sans attendre, on exploite déjà 8 bus à hydrogène à Versailles et on a lancé un appel d’offres pour 50 bus supplémentaires. D’un point de vue technique, dans les dépôts, la bascule du GNV vers l’hydrogène pourrait s’avérer moins complexe qu’il y paraît. Dans les deux cas, il y a une station de compression avec un réseau de tuyaux pour alimenter les véhicules. Toute la question est de savoir si les réseaux de gaz existants peuvent acheminer de l’hydrogène, de façon à éviter le stockage en grande quantité…

 

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