Avec un curieux sens du timing, la SNCF a organisé son opération de communication sur le thème du numérique quelques jours avant une grève des contrôleurs qui a largement désorganisé les trajets du 15 au 19 février… il faut croire qu’aucune application n’a encore été développée pour anticiper les mouvements sociaux. «La SNCF est une boîte d’ingénieurs. On nous en fait parfois le reproche, mais cela a aussi ses bons côtés», souligne Jean-Pierre Farandou, qui se félicite de l’appétence des cheminots pour le développement du digital et de l’intelligence artificielle. Le président de la SNCF considère le numérique comme un «enabler» déterminant pour rendre l’opérateur historique plus performant dans un contexte décisif d’accroissement de l’offre, le programme x2 qui doit conduire à doubler la part du rail d’ici à 2030. Pour atteindre ces objectifs, l’augmentation des moyens dédiés à la modernisation et à l’entretien du réseau sont indispensables: 2,3 Md€ sont ainsi affectés à la maintenance ferroviaire en 2023-24, indique Jean-Pierre Farandou, qui insiste aussi sur le potentiel du numérique en matière de maintenance prédictive. «Un leader des mobilités doit aussi être un leader de la tech», poursuit Christophe Fanichet, président de SNCF Voyageurs et également directeur général adjoint en charge du numérique. Pour concrétiser ses ambitions, la SNCF consacre pas moins de 2 Md€ par an au numérique, qui mobilise 4.500 collaborateurs au sein du groupe. Avec 30 M€ de budget annuel, SNCF Connect ne représente qu’une faible part de l’ensemble. Deux ans après son lancement chaotique, la plateforme compte à présent 15 millions de clients, qui ont acheté 208 millions de billets en 2023.
Plus de 1000 applications ont été développées au sein du groupe ferroviaire, touchant à l’ensemble des activités. Parmi les projets basés sur le numérique, Argos vise à déployer des postes d’aiguillage informatiques, ce qui permettra de faire circuler davantage de trains en toute sécurité ; Opti’conduite aide les conducteurs de train à réduire la consommation d’énergie ; Patterns CO2, développé par Hove, permet aux collectivités de suivre l’impact carbone de leurs politiques de mobilité… il existe aussi des outils de suivi des équipements en gare, ou de gestion intelligente des flux de voyageurs, une bourse de fret en ligne, ou encore un traducteur multilingue qui va être déployé pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Ces initiatives illustrent aussi une démarche de soutien à l’innovation aussi souple que possible: «Nous décentralisons tout ce qui peut l’être et nous centralisons ce qui doit l’être», résume Christophe Fanichet. L’objectif étant de soutenir les bonnes idées d’où qu’elles viennent, tout en protégeant les données industrielles et commerciales, dans le respect du RGPD. La SNCF coopère aussi avec un ensemble de 300 start-up. Pour autant, pas question de miser exclusivement sur le virtuel. «L’actif humain reste ce qu’il y a de plus important pour nous», rappelle Christophe Fanichet. Quant à la relation client, «pas question pour la SNCF, qui est une entreprise inclusive, de passer au tout-numérique», assure-t-il.
S. G.