En complément des bornes de charge, l’électrification de l’infrastructure routière elle-même constitue une solution permettant d’accroître l’autonomie des véhicules, et particulièrement des véhicules lourds pour lesquels la problématique est déterminante. Même si les performances des batteries s’améliorent, et si l’utilisation de la pile à combustible se développe, la route électrique (Electric Road System, ERS) constitue une piste crédible à moyen terme pour atteindre les objectifs européens de décarbonation, et il est indispensable de s’y préparer, estiment Jean-Pierre Hauet et Servan Lacire, respectivement directeur du Comité scientifique et consultant auprès du think tank Equilibre des énergies (EdEn), auteurs d’un rapport consacré à ce sujet. Caténaire, rail, ou induction, les trois technologies sont arrivées quasiment à maturité: après des tests effectués sur pistes ou sur routes ouvertes ces dernières années, BPI France va d’ailleurs financer trois tests opérationnels destinés à évaluer plus précisément les conditions de leur mise en œuvre. Le travail effectué par Jean-Pierre Hauet et Servan Lacire a pour objet d’évaluer à la fois les coûts d’équipement des principales autoroutes françaises, et la tarification de ces services pour les transporteurs. Pour nourrir leur réflexion, ils ont échangé notamment avec les principaux acteurs du secteur engagés dans les tests prévus en France: Alstom, Colas, Electreon, Elonroad, Equans, Iveco, MAN, Vinci Autoroutes et TotalEnergies.
Il ressort de leurs estimations que l’équipement d’une autoroute pour les deux sens de circulation revient à 25% du prix moyen d’une autoroute en France, sachant que 70% du linéaire doit être traité (le reste correspond aux ouvrages d’art, ponts, tunnels…). Et les montants à investir sont importants: de 700.000 € du km à plus de 1 M€ selon l’option retenue, rail, induction ou caténaire. Le rapport évalue ensuite le TCO pour les transporteurs (0,78€ du km pour l’induction, 0,70 pour les caténaires et 0,67 pour le rail, sans tenir compte du coût des péages autoroutiers), comparé à celui des véhicules hydrogène et à batterie (0,793 et 0,783). Pour leurs calculs, les auteurs se sont basés sur les flux des autoroutes A7 / A9, les plus fréquentées en France.
Au-delà d’une démonstration de l’intérêt économique de ces solutions, l’objectif du rapport est de souligner l’intérêt de l’ERS en vue de l’inclure dans la trajectoire de décarbonation des véhicules lourds. Dans cette perspective, ils proposent un calendrier de déploiement. Après le démarrage des tests opérationnels, la rédaction d’un appel à projet européen devrait intervenir en 2026, en vue d’une expérimentation menée entre 2028 et 2031. Le rapport met l’accent sur la nécessité de normalisation et de standardisation à l’échelle européenne de manière à retenir une ou deux technologies compatibles avec chaque application (caténaire, induction, rail). Le déploiement de l’ERS pourrait ainsi démarrer à partir de 2032. «Il faudra voir comment les sociétés d’autoroute qui financeront l’investissement pourront répercuter les coûts sur les usagers», indique Jean-Pierre Hauet. De quoi alimenter la réflexion sur l’avenir des concessions autoroutières…
Sandrine Garnier