Le principe est bien connu: dans une famille, le choix de la voiture est déterminé par l’usage exceptionnel qui en sera fait pour partir en vacances. Résultat: nos rues sont pleines de SUV occupés par une seule personne, et le plus souvent stationnés sur l’espace public (un véhicule particulier étant à l’arrêt 90% du temps). Le raisonnement est sensiblement le même pour les flottes d’entreprises, dimensionnées le plus souvent pour les pics d’activité. Pour changer les choses, les professionnels de la location de courte durée (LCD) veulent inciter ménages et acteurs économiques à reconsidérer les choses: privilégier l’usage quotidien pour s’équiper, et recourir à la location dans les situations exceptionnelles. Une étude réalisée par l’Ademe vient à l’appui de la démarche, avec trois études de cas:
- Loisirs: une famille de 4 personnes, propriétaire d’une citadine électrique et qui louerait un véhicule thermique plus spacieux pendant ses vacances réduirait de 83% ses émissions de GES, par rapport à une même famille propriétaire d’un véhicule hybride ou thermique de type familial ;
- Véhicules utilitaires: en louant des VUL au lieu de les acheter, une entreprise réduit ses frais et ses émissions. Dans les faits, cela revient à « mutualiser » un certain nombre de véhicules, ce qui réduit la demande, et donc la production, et permet d’économiser 43% des GES par rapport à une situation où chaque entreprise serait propriétaire de sa flotte.
- Déplacements professionnels: deux collègues qui effectuent des déplacements deux fois par mois en train puis en voiture de location vont générer 82% d’émissions de moins que s’ils avaient effectué les mêmes trajets en véhicule de fonction.
Le secteur de la LCD a d’autres arguments pour démontrer son potentiel de décarbonation: un taux d’occupation de 2,19 personnes par véhicule contre 1,67 en moyenne, et un parc dont l’âge moyen est inférieur à 1 an. De plus, avec plus de 4.700 agences de location en France dans les zones denses et les hubs de mobilité, la location de courte durée complète l’offre de transport lourd et les autres usages partagés de l’automobile (covoiturage, autopartage). 6 millions de locations courte durée sont réalisées chaque année en France (dont 21% en intermodalité avec le train), le secteur réalise 4,3 Md€ de chiffre d’affaires et emploie 12000 salariés. «Nous voulons convaincre les pouvoirs publics du rôle d’entraînement de la location courte durée», déclare Jean-Philippe Doyen, président des métiers de la Mobilité partagée au sein de Mobilians, et président de Sixt France. Le secteur demande notamment la prise en compte de la LCD dans les obligations de verdissement des flottes de plus de 100 véhicules instituées par la LOM. Autre proposition: la mise en place d’un crédit mobilité multimodal ouvrant aux particuliers l’accès à la LCD dans le cadre de la prime à la conversion.
Les loueurs sont aussi d’excellents relais dans l’électrification du parc automobile, en alimentant le marché de l’occasion. Aujourd’hui, les véhicules électriques représentent 6% de leurs flottes, et 14% en incluant les hybrides rechargeables. Pour amplifier le mouvement, ils demandent un soutien à l’achat de ces véhicules via l’alignement du bonus des personnes morales sur celui des personnes physiques. Enfin, ils soulignent la nécessité d’encourager le déploiement des bornes de recharge rapides, principalement au sein des hubs et des agences de location. Il faut préciser aussi qu’en renchérissant le prix des véhicules, auxquels s’ajoutent les investissements dans les infrastructures de charge, l’électromobilité fragilise aussi leur modèle économique. En outre, le secteur continue de subir les répercussions de la crise sanitaire : l’activité a continué de progresser en 2022 et 2023, mais les immatriculations restent inférieures de 30% aux niveaux d’avant-crise.
Sandrine Garnier