Réunie à Pau pour trois jours de congrès, la filière hydrogène apporte sa contribution à la réflexion en cours sur la stratégie nationale, en cours de révision. Elle se mobilise pour atteindre les objectifs de production fixés en 2020, à savoir 6,5 GW d’hydrogène renouvelable et bas carbone d’ici la fin de la décennie. A ce stade, le potentiel identifié est de 2,6 à 3 GW. L’évaluation de France Hydrogène s’appuie sur les résultats des différents appels à projets soutenus par l’Ademe, sur le programme européen PIIEC qui favorise le recours à l’hydrogène dans l’industrie, et inclut le mécanisme de soutien destiné aux projets de taille intermédiaire, qui vise une production totale de 1 GW. Pour mieux mailler le territoire et accélérer le passage à l’échelle, France Hydrogène milite pour un développement semi-centralisé, à mi-chemin entre les écosystèmes territoriaux promu par l’Ademe et les plans européens destinés à l’industrie lourde. Une étude réalisée par E-Cube au premier semestre 2023 à partir du bassin Auvergne – Rhône-Alpes démontre la compétitivité de ce système semi-centralisé. Cette organisation permet en effet d’embarquer le tissu industriel intermédiaire et évite le transport d’hydrogène sur de longues distances. Elle permet en outre d’adresser plus largement le marché de la mobilité. «L’hydrogène doit être utilisé à la fois pour décarboner les grands sites industriels français, mais aussi pour réduire les émissions de la mobilité lourde ou du logement», indique Philippe Boucly, président de France Hydrogène. La filière invite donc les pouvoirs publics à lancer un plan de déploiement de la mobilité hydrogène, axé sur les véhicules utilitaires légers, segment sur lequel sont positionnés les constructeurs français Stellantis et Renault (via sa co-entreprise Hyvia). Ce coup de pouce devrait permettre d’atteindre le seuil à partir duquel les industriels pourront produire à moindre coût. Le calendrier pourrait être assez rapide: 2027 pour les véhicules utilitaires légers, et 2030 pour les véhicules lourds.
Ce déploiement nécessite l’implantations de stations d’avitaillement, et pas uniquement concentrées le long des corridors européens considérés comme prioritaires pour la mobilité longue distance. En partenariat avec la Plateforme automobile (PFA), France Hydrogène a d’ailleurs établi, avec le concours de l’IRT System X, une projection du maillage de stations d’avitaillement nécessaires au déploiement d’une flotte de véhicules à hydrogène. «Il faudrait 248 stations en 2026 pour approvisionner environ 50.000 véhicules, et 915 stations (dont 168 adaptées aux véhicules lourds) en 2030 pour 340.000 véhicules légers et 12.000 camions (>16 t)», détaille Valérie Bouillon-Delporte, vice-présidente de France Hydrogène et par ailleurs directrice Ecosystème hydrogène chez Michelin. Elle fait référence au programme lancé en 2007, qui avait permis d’amorcer la pompe pour les véhicules électriques, avec notamment la commande de plusieurs centaines de Citroën Berlingo et Peugeot Partner par La Poste. Le soutien des pouvoirs publics et l’engagement de grandes entreprises pourraient accélérer les économies d’échelle qui permettront de réduire les prix à la vente des véhicules à hydrogène, et donc de les rendre accessibles à la grande majorité des transporteurs, qui sont des PME, ou encore aux artisans. A l’heure actuelle, des projets considérés comme ambitieux, comme R’Hyse, autour de la future station hydrogène d’Air Liquide à Salon-de-Provence, prévoient la mise en circulation de 50 poids lourds d’ici à 2025.
Sandrine Garnier