La Cour des comptes a publié, le 25 avril 2024, son rapport définitif sur la Société du Grand Paris (SGP). Le document porte sur les comptes et la gestion de la SGP depuis 2017, date de son dernier rapport sur le maître d’ouvrage du Grand Paris Express (GPE). La Cour des comptes s’est attachée à vérifier si la SGP est adaptée en termes de moyens financiers, d’organisation et de compétences au regard d’un projet qui atteint aujourd’hui un point culminant de sa phase de réalisation et d’un changement d’échelle dans les investissements et l’activité de la SGP.
S’agissant des moyens nécessaires à l’achèvement du GPE, la Cour des comptes note que la dérive des coûts du projet dénoncée dans son rapport de 2017 apparaît «contenue». Toutefois, elle recommande de fixer le périmètre des interconnexions avec le réseau de transport existant afin notamment de stabiliser les contributions de la SGP afférentes. Autre motif d’inquiétude, une remontée des taux d’intérêt depuis 2022 qui rend les futures conditions d’emprunt «plus incertaines»…
Côté ressources, les Sages considèrent que le modèle financier de la SGP est «vulnérable aux évolutions de ses recettes de fiscalité affectée et de péages, sur lesquelles elle n’exerce aucun pouvoir de décision». La Cour des comptes recommande ainsi à la direction du budget et à la DGITM de garantir le niveau de recettes prévisionnelles afin que la durée d’amortissement de la dette soit maintenue à 40 ans à compter de la livraison du dernier tronçon du GPE.
Sur l’organisation de la SGP, la Cour des comptes note un processus de décision plus efficace lié notamment à la création en 2018 d’un comité d’audit et des engagements: ce CAE est chargé d’examiner des projets de délibération approuvant certaines opérations d’investissements et certains programmes des opérations d’aménagement et de construction, mais aussi de s’assurer de la qualité de la politique d’audit, du contrôle interne et de la gestion des risques. La Cour préconise néanmoins de nommer, au sein de ce comité, une personnalité qualifiée supplémentaire spécialisée dans l’intermodalité et l’aménagement urbain afin de mieux prendre en compte ces enjeux.
Elle recommande également de réinstituer un déontologue indépendant et de mettre en place des contrôles internes de régularité a posteriori des marchés en raison de conflits d’intérêt apparus dans le passé sur la passation de commandes à des fournisseurs.
Un risque majeur de dérive financière
S’agissant des compétences, la Cour des comptes souligne que la SGP est entrée dans une phase intense de réalisation du GPE et qu’il convient désormais de porter son attention sur l’exécution des marchés. Elle préconise ainsi à la SGP de renforcer ces moyens par l’embauche de contract managers. Elle réclame également la mise en œuvre d’un processus de gestion des demandes de rémunérations complémentaires des entreprises qui associe en amont la commission d’examen des procédures de marchés: «Les rémunérations complémentaires constituent un risque majeur de dérive financière pour la SGP», souligne la Cour dans son rapport.
Les sages de la rue Cambon recommandent, en outre, de réinternaliser les fonctions des systèmes d’information les plus critiques : l’audit demandé par la SGP elle-même a révélé qu’elle était est exposée à un niveau «trop important» de sous-traitance et de nombreuses missions, y compris des programmes majeurs et stratégiques, rappelle le rapport.
Enfin, la Cour des comptes préconise à la SGP d’adapter ses effectifs aux besoins d’achèvement du GPE qui impliquent une décrue qui doit intervenir dès 2025, et des projets de services express métropolitains. En effet, depuis la loi du 27 décembre 2023, la SGP, rebaptisée «Société des grands projets», pourra aussi assurer la maîtrise d’ouvrage de SERM. «Des incertitudes subsistent sur le contour, le financement et la gouvernance de ces projets, soulignent les Sages. En tout état de cause, les activités correspondantes devront être nettement séparées de celles concernant le GPE.»
Florence Guernalec