« Conserver un mix énergétique et technologique permet de phaser la transition »
En matière d’énergie, les autorités organisatrices sont soumises aux dispositions réglementaires instaurées par la loi sur la Transition énergétique et la croissance verte (TECV) de 2015 et par la loi Climat et résilience de 2022, la première ayant été complétée par un décret de novembre 2021 visant à transposer la directive européenne Véhicules propres. Cette définition distingue, entre autres, les véhicules à très faibles émissions (groupe 1, véhicules électriques et à hydrogène) et les véhicules à faibles émissions (groupe 1bis, véhicules alimentés au bioGNV). Pour leurs achats de bus neufs, les agglomérations de plus de 250.000 habitants doivent ainsi acquérir au moins 50 % de véhicules propres (groupe 1) à partir de janvier 2025. En outre, le déploiement des ZFE issues de la loi Climat et résilience dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants ajoute une couche réglementaire supplémentaire à décliner par les collectivités en se basant sur les vignettes Crit’Air. En fonction des calendriers et des différentes zones urbaines considérées, cela conduit à exclure à moyen terme des centres-villes les bus et cars diesel, qui ne seront plus autorisés à y circuler. Or, même s’il est possible de convertir les flottes de bus urbains à l’électricité ou à l’hydrogène avec pile à combustible, une offre équivalente n’existe pas à l’heure actuelle pour les véhicules dédiés aux lignes périurbaines ou aux lignes régionales.
Il ne faut pas perdre de vue le fait que le premier apport du transport public à la transition écologique, c’est le report modal depuis la voiture individuelle. A ce titre, le transport en commun est vertueux du point de vue des émissions par passager, même avec un véhicule thermique. Via l’UTP, nous militons aux côtés du GART pour que l’ensemble des véhicules de transport en commun bénéficient d’une dérogation et soient autorisés à circuler dans le périmètre des ZFE, quelle que soit leur vignette Crit’Air.
En France, Keolis n’est pas propriétaire des flottes de bus des réseaux urbains qu’il opère pour le compte des autorités organisatrices de mobilité. Mais nous intervenons à la demande des collectivités locales pour les conseiller dans la définition de leur stratégie de décarbonation. Keolis propose aux autorités organisatrices de mobilité son expertise sur les énergies alternatives au diesel. Nous pouvons apporter un conseil sur mesure aux AOM et les aider à élaborer différents scénarios de conversion, en fonction de la réglementation, en évaluant leurs impacts en matière environnementale (qualité de l’air, émissions de CO2, de particules, d’oxydes d’azote…) et les projections budgétaires associées. L’avantage de conserver un mix énergétique et technologique, c’est qu’il permet de ne pas tout faire en même temps, et de ne pas se retrouver dépendant d’une seule solution. Par rapport aux différentes énergies, nous conservons une neutralité technologique et une posture ouverte sur les différents types de solutions disponibles. L’objectif est de programmer le meilleur phasage possible, en tenant compte de l’éventuelle reconfiguration des lignes de bus concernées et de la modernisation des dépôts.
L’hydrogène constitue une vraie solution de long terme avec les avantages de l’électrique, mais sans les inconvénients liés aux contraintes des batteries (poids, volume, autonomie, durée de vie, …). A titre d’exemple, la batterie d’un bus articulé électrique de 18 m en « full autonomy » (i.e. sans recharge en ligne) peut peser jusqu’à 6 tonnes, alors qu’à Pau la batterie du BHNS hydrogène pèse moins de 100 kg. Pour l’électrique, il y a la solution de recharge en ligne par biberonnage, comme pour les BHNS d’Amiens et de Bayonne-Anglet-Biarritz, mais cela implique de fortes contraintes d’exploitation. L’hydrogène n’est cependant pas toujours la solution, notamment en matière d’efficacité énergétique, cela peut s’avérer être très énergivore pour des véhicules légers. En revanche, c’est très adapté dans certains cas pour des véhicules lourds (bus, cars, bennes à ordures…). Il faut aussi tenir compte de la règlementation en matière de sécurité, qui s’applique par exemple au stockage de l’hydrogène. A partir de 5 tonnes d’hydrogène stockées, ce qui est nécessaire pour alimenter une flotte de 80 bus, le dépôt est considéré comme une installation de type Seveso, difficile à intégrer dans un environnement urbain, ou même périurbain.
Les différentes solutions alternatives au diesel restent, à ce jour, plus onéreuses. Les autorités organisatrices ont donc besoin de soutiens de la part de l’Etat et de l’Union européenne. Le TCO d’un véhicule électrique représente 1,35 ou 1,4 fois celui de son équivalent thermique, quant à l’hydrogène, la proportion est de 3 à 4 fois plus cher (avant subvention). Parallèlement à ces investissements, les AOM doivent continuer à investir pour développer l’offre de transport public en réponse aux attentes des habitants. Dans les grands réseaux gérés par Keolis, on constate partout des projets de développement, avec des prolongements ou de nouvelles lignes de tramway, et des lignes de BHNS comme à Lyon, Lille, Bordeaux, Nancy et Caen. Mais les villes de tailles plus modestes, dont le versement mobilité est parfois moins dynamique, peuvent rencontrer des difficultés financières. Les éventuelles baisses d’offre sont, malheureusement, davantage liées à la pénurie de conducteurs qu’au manque de moyens financiers. Aujourd’hui, l’enjeu c’est de continuer à développer les transports publics. Pour cela, il est nécessaire de conserver les recettes voyageurs pour financer l’offre, au même titre que le versement mobilité. Il est important de rappeler que le voyageur en France paie moins cher que ses voisins européens, avant même le remboursement d’au moins la moitié du prix de l’abonnement (si on est salarié) par son employeur.