Interrompu par des militants SudRail soutenant la relance du fret ferroviaire, le colloque annuel de la Fnaut, organisé le 23 mai à Paris, n’avait pourtant rien d’un manifeste anti-rail, bien au contraire. Baptisé «Osons le train», il avait démarré comme un modèle du genre : experts, élus, représentants des opérateurs, à commencer par la SNCF, s’y sont donné la réplique selon une mécanique bien huilée, et bien connue des habitués, devant un public acquis à la cause ferroviaire. En ouverture de la matinée, le président de la Fnaut, Bruno Gazeau a listé les grandes attentes des voyageurs, rassemblées dans la Convention collective de l’usager. Ensuite, les débats ont pris le relais, colorés par l’intervention du président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. Puis, le ministre des Transports, Clément Beaune, est venu délivrer un message aussi consensuel que dépourvu d’aspérité. Tout ronronnait, jusqu’à ce qu’un groupe de cheminots fasse irruption à la Maison des Travaux publics, rappelant à grands cris et force fumigènes que « La SNCF n’est pas à vendre ! »…
Mais qui voudrait donc acheter notre opérateur historique, confronté au défi de construire l’offre ferroviaire du 21e siècle sur un réseau du 19e siècle, et avec des mécanismes budgétaires et une architecture institutionnelle hérités du 20e siècle? Son président, Jean-Pierre Farandou, ne s’est d’ailleurs pas privé de rappeler la réalité du parcours d’obstacles qu’il lui faut franchir, et les efforts que nous devrons accomplir tous ensemble pour réaliser ce saut qualitatif, l’argent public étant l’argent des Français. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, lui a brillamment donné la réplique en rappelant que le Plan à 100 Md€ annoncé fin février par la Première ministre n’était pas financé, ajoutant que les Régions ne sont pas de véritables autorités organisatrices, mais des «cochons de payeurs». En d’autres termes, la décentralisation du TER n’a pas eu d’autre but que de transférer aux Régions une partie du désendettement de la SNCF, a-t-il poursuivi. Les collectivités régionales ont financé le renouvellement des matériels roulant, puis la modernisation des infrastructures, et se retrouvent sans ressource affectée à leur compétence mobilité. En plus, les péages ont augmenté de 25% sur les TER, contre 0,6% pour les TGV, a-t-il dénoncé, prenant à témoin la vice-présidente de l’Autorité de Régulation, Sophie Auconie.
Très inspiré, Alain Rousset a également taclé le Président de la République qui, avec les RER métropolitains, a découvert un projet lancé depuis plusieurs années en Nouvelle-Aquitaine, pour lequel les financements promis dans le volet Mobilité des CPER restent à préciser. «C’est grotesque ! un pur scandale politique», a-t-il lâché… Parallèlement à cette charge contre l’Etat jacobin, Alain Rousset, en aparté avec Jean-Pierre Farandou, finalisait la convention TER qu’il s’apprête à signer avec la SNCF pour une durée de 7 ans, et ses à-côté (deux allers-retours quotidiens supplémentaires sur Paris-Bordeaux ont même été quasiment officialisés, séance tenante). Après cette séquence d’anthologie, l’élu régional a quitté la salle, escorté par le président de la SNCF… on n’était pas loin du théâtre de boulevard. Et c’est finalement SudRail qui a assuré le final de la représentation, en mode improvisation. Motivés par un rendez-vous ministériel sur le fret prévu plus tard dans la journée, les manifestants étaient venus mettre la pression là où ils étaient sûrs de rencontrer les personnalités du secteur. Contraints d’écourter les tables-rondes, les responsables de la Fnaut auront tout de même la staisfaction de se dire qu’ils ont fait l’actualité.
Sandrine Garnier