Trois offres ont été déposées le 27 octobre pour la mise en place d’une taxe poids lourds sur les routes alsaciennes. Après analyse des dossiers, la collectivité devrait finaliser son choix en janvier prochain, avec un déploiement de la mesure prévu à horizon 2025. «Nous avons également lancé une étude d’impact en coopération avec les milieux économiques, précise Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA). Nous souhaitons apporter les ajustements nécessaires afin de ne pas pénaliser les transporteurs locaux, en définissant un certain nombre de cas d’exemption, pour les activités agricoles par exemple, ou en dessous d’un certain tonnage. Nous devons également préciser de quelle manière nous pouvons soutenir le secteur du transport et de la logistique, en finançant des équipements pour le fret ferroviaire ou fluvial, ou encore en soutenant le développement de réseaux d’avitaillement en énergies alternatives au diesel…»
La mise en place d’une taxe routière applicable aux poids lourds est une demande déjà ancienne en Alsace, puisqu’elle remonte à l’instauration de la LKW-Maut en Allemagne, en 2005. Cette taxe avait provoqué un report de trafic importants sur les routes alsaciennes, en particulier le corridor nord-sud en 2×2 voies gratuit. Le produit de la taxe pourrait rapporter 40 M€ par an, sans tenir compte des frais liés à la mise en place des infrastructures de contrôle. Les portiques installés pour l’écotaxe abandonnée en 2013 pourraient être remis en marche, mais ils ne suffiront pas. La collectivité dépense 120 à 130 M€ chaque année pour l’entretien et la modernisation de son réseau routier, qui comprend les routes nationales qui lui ont été transférées par l’Etat.
La réflexion concernant cette future taxe, baptisée R-Pass, suscite l’intérêt des autres collectivités locales, à l’instar de la Région Grand Est, qui a demandé à l’Etat le transfert de certains axes routiers à titre expérimental. Les départements, qui réclament des ressources pour l’entretien et la modernisation de leurs réseaux routiers, auraient également la possibilité de mettre en place cette taxe. De quoi inspirer les élus départementaux, accueillis à Strasbourg pour leurs assises annuelles. Confrontés à la baisse des droits de mutation à titre onéreux, et à l’augmentation des dépenses de santé et de soutien social, les départements ont désespérément besoin de ressources. Mais, comme c’est le cas en Alsace, cette taxe kilométrique ne suffira pas à couvrir les montants nécessaires pour entretenir le réseau et l’adapter à la transition énergétique. «L’évolution des contrats autoroutiers constitue une autre piste de financement», précise Frédéric Bierry.
Alors que le Président de la République vient de lancer une nouvelle phase de décentralisation, les départements défendent leur spécificité et l’efficacité de leur action de proximité, complémentaire de celle des (trop) grandes régions. «Les RER métropolitains ne répondront pas à toutes les problématiques territoriales», a ainsi déclaré Gérard Larcher, président du Sénat. Et pour consolider cette connaissance des besoins locaux, les départements demandent à l’Etat la mise à disposition de l’ensemble des données concernant leurs compétences, qui leur sont transmises actuellement avec 1 à 2 ans de décalage. «La donnée est la clé du pouvoir», insiste François Sauvadet, président de l’Assemblée des départements de France. Elle permet aussi d’évaluer et d’adapter les politiques publiques, un «pouvoir d’agir» revendiqué avec force par les départements.
Sandrine Garnier