Les certificats d’économie d’énergie (CEE) doivent-ils servir à financer des politiques de mobilité ? L’enquête publiée dans le Monde du 6 avril soulève des questions au sujet du dispositif des Primes énergie, créé en 2006 par la loi de Programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE), et à son utilisation par TotalEnergies et BlaBlaCar. On pourrait se poser des questions similaires au sujet de certains acteurs de la grande distribution, qui proposent des bons d’achat aux particuliers ayant réalisé des travaux d’isolation à leur domicile. Pour me récompenser d’avoir remplacé ma vieille chaudière au fioul par une électrique, je vais aller remplir mon chariot à l’hypermarché du coin… ça ne semble pas non plus très logique si l’objectif est de réduire notre empreinte carbone.
Reste à savoir si le covoiturage, particulièrement dans sa version quotidienne, motivé par des trajets domicile–travail ou domicile-études, doit être soutenu financièrement par les collectivités dans le cadre de la mise en œuvre des politiques de mobilité ? Et sur quelles bases ? A la rentrée 2023 une étude publiée par le Forum Vies mobiles et la Fabrique écologique pointait déjà les limites du plan gouvernemental de soutien au covoiturage (50 M€ financé par les CEE), centré sur les trajets réalisés via les plateformes. Certains biais, notamment les trajets en doublon avec des dessertes existantes en transports publics, y étaient signalés. Mais les élus concernés précisaient que, malgré quelques dérives, le covoiturage devait faire partie de l’offre globale, en tant qu’alternative à l’autosolisme.
En Essonne, pionnière en matière de soutien au covoiturage (les premières initiatives remontent à 2014, avec Klaxit, racheté par BlaBlaCar en mars 2023), les bénéfices l’emportent. Et le département est même champion du covoiturage, avec près d’un million de passagers transportés sur 12 mois enregistrés par BlaBlaCar, dont près de la moitié via BlaBlaCar Daily. Pour accentuer la dynamique, une convention a été signée le 9 avril entre le département et BlaBlaCar Daily, afin d’inciter les 18-25 ans à covoiturer. La signature s’est déroulée sur le campus de Paris-Saclay, à l’école Centrale. «Bien sûr, il faut éviter les effets d’aubaine, mais je constate que le coût pour la collectivité d’un trajet en covoiturage est de l’ordre de 10 centimes du km, ce qui est loin d’être excessif», précise le président du conseil départemental, François Durovray.
Dans ce département de grande couronne, le covoiturage s’intègre en complément des solutions de transport public. Mais pour les trajets courts du quotidien avec des délais contraints, «il faut un coup de pouce financier», souligne Nicolas Brusson, co-fondateur de BlaBlaCar. L’aide du département permet de rendre le trajet gratuit pour les passagers qui ne sont pas titulaires d’un abonnement aux transports publics (le passe Navigo francilien comprend un aller-retour quotidien en covoiturage). Pour un budget de 40.000€ par an, le département de l’Essonne contribue ainsi à décarboner les trajets de ses concitoyens, et à « les faire basculer d’une logique d’usage privé à une logique de transport collectif », déclare François Durovray. C’est d’ailleurs sur le plateau de Saclay que seront lancée début 2025 les premières lignes de covoiturage mises en place par la Région Ile-de-France.
Sandrine Garnier