«Nous sommes au pied de la montagne. Dans dix ans, la population des villes aura augmenté de 1,5 milliard d’habitants, à 95% dans les villes du Sud, et la hausse des émissions de gaz à effet de serre liés aux transports pourrait atteindre 70%». Ces quelques mots de François Durovray, en ouverture du Forum Codatu de Bogota, le 27 juin, résument l’ampleur des défis à relever. Le successeur de Dominique Bussereau à la tête de l’organisation de coopération Nord-Sud rappelle aussi l’esprit des échanges: il ne s’agit pas d’imposer le modèle français au reste du monde, mais d’apprendre les uns des autres. Président du conseil départemental de l’Essonne et administrateur d’Ile-de-France Mobilités, François Durovray est d’ailleurs un ardent défenseur des lignes de cars express, organisées en complément du réseau lourd et du futur Grand Paris Express. Il doit d’ailleurs présenter à la rentrée un pack de 40 lignes du futur réseau francilien, lointain cousin du BRT mis en œuvre à Bogota il y a 20 ans, le Transmilenio.
La capitale colombienne a en effet pris l’initiative, à la fin des années 1990, de mettre de l’ordre dans une offre de bus pléthorique et désorganisée. L’aménagement d’une centaine de kilomètres de bus en site propre, parcourus par des véhicules bi-articulés, a permis de fluidifier les circulations et d’enregistrer près de 4 millions de voyages par jour (2,5 millions sur le tronçon central et 1,5 million sur les lignes zonales en interconnexion). Aujourd’hui, la municipalité de Bogota projette de développer encore le réseau de BRT, de mettre en service 4 nouvelles lignes de téléphérique, et de construire 5 lignes de métro afin d’accroître substantiellement l’efficacité de l’offre. Une démarche en miroir de celle de l’Ile-de-France, dans un territoire qui compte environ 11 millions d’habitants, et qui s’est fixé un objectif de décarbonation des transports à l’horizon 2040.
L’engagement de Bogota en faveur des transports publics n’est pas isolé dans le pays, ni en Amérique du Sud. Le Pérou s’apprête ainsi à investir 1 milliard de dollars dans les transports urbains. Et les pays voisins comme l’Equateur, le Chili ou le Brésil ne sont pas en reste. Transdev, qui exploite plusieurs lignes de bus à Bogota (avec plus de 400 bus électriques, 659 articulés et bi-articulés thermiques), est également présent à Quito (Equateur) et à Sao Paulo (Brésil) sur des projets de métro, ainsi qu’à Santiago du Chili (bus thermiques et électriques). Le groupe français gère également le premier service de téléphérique de Bogotà… et se prépare à opérer le Cable 1 francilien. Partenaire de ce forum régional, l’opérateur joue ainsi à la fois sur la scène internationale et à domicile. «Nos activités à Bogota sont une source d’inspiration, a déclaré Thierry Mallet, président de Transdev. En France comme en Colombie, la mobilité est un facteur esstiel de développement et d’accès à l’emploi.» Et même si les deux pays sont très différents, les défis posés par la décarbonation des mobilités y sont très similaires.
Deux ans après le Congrès Codatu de Dakar, ce Forum régional de Bogota est le premier du genre. En choisissant de se focaliser sur une région du monde, les organisateurs cherchent davantage de proximité, et d’efficacité. S’ils se défendent d’être le bras armé de l’Agence française de développement (AFD), les représentants de Codatu ne peuvent pas ignorer les motivations de leurs partenaires et financeurs. Dans le contexte actuel, l’Amérique du Sud présente de meilleures garanties de stabilité et de solvabilité que l’Afrique subsaharienne. Les entreprises françaises y sont tout de même confrontées à la concurrence chinoise.
Sandrine Garnier