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Clément Verdié
Clément VerdiéPrésident du groupe Verbus

« La réduction des émissions de CO2 passe aussi par une conduite éco-responsable des conducteurs »

Mobily-Cités : Comment avez-vous pris conscience de l’importance de la réduction des émissions de CO2 ?

Clément Verdié :  Par nature, le transport en commun contribue à réduire les émissions de CO2 en limitant le recours à la voiture individuelle. C’est donc un sujet qui est au cœur de notre métier. Nous avons été rapidement sensibilisés à ces enjeux, qui sont devenus une composante essentielle de notre mission dès 2010. Nous avons structuré et formalisé cet engagement soutenu par les organisations patronales, telles que l’OTRE qui diffusent largement les communications de l’ADEME. Ainsi nous avons été parmi les premiers signataires de la charte CO2. Nous comptons aussi parmi les premières entreprises à avoir obtenu le label CO2 de l’ADEME, lancé en 2021, jusqu’à recevoir le prix de la meilleure performance environnementale parmi tous les acteurs labellisés en France, ce qui a renforcé notre engagement dans cette transition.

Quelles sont les stratégies de décarbonation mise en place par l’entreprise pour réduire son empreinte carbone ?

La décarbonation de notre flotte est un enjeu majeur. Nous avons mis en place deux stratégies principales. La première consiste à opter pour des motorisations moins émissives de CO2, telles que le BioGNV, l’électrique, les biocarburants et les véhicules diesel conformes à la norme Euro 6. La seconde stratégie vise à réduire toutes les consommations d’énergie au maximum, qu’il s’agisse de carburant ou d’électricité pour nos installations.

Quelles sont les énergies que vous avez souhaité mettre en perspectives ?

Depuis 2010, nous croyons au potentiel du mix énergétique pour répondre à nos besoins tout en réduisant notre impact environnemental. Actuellement, notre flotte comprend 25 véhicules au BioGNV, 16 véhicules électriques, environ 400 véhicules Euro 6 et 150 véhicules qui utilisent des biocarburants que nous avons fléchés en particulier vers les véhicules Euro 5 de la flotte. Ce mix nous permet de couvrir environ 30 % de nos kilomètres parcourus avec des énergies alternatives.

Comment voyez-vous l’utilisation de l’électricité dans le transport par autocar ?

Bien que l’électricité soit prometteuse pour les véhicules légers, je reste sceptique quant à son application pour les véhicules
« lourds », comme les autocars. Les batteries ajoutent un poids considérable aux véhicules, ce qui limite l’efficacité des véhicules de grande capacité notamment. Je pense que des énergies comme le BioGNV, les biocarburants ou l’hydrogène seront des solutions plus adaptées pour le transport lourd. D’ailleurs, il est essentiel que la législation évolue pour nous donner un cadre clair en fonction du poids et des usages des véhicules, afin d’orienter nos investissements de manière plus rationnelle. L’OTRE milite en faveur d’un mix énergétique et pour une législation adaptée au poids des véhicules et aux besoins des transporteurs, afin de donner un cadre pérenne aux investissements et nous éviter des prises de risque inconsidérées.

Les constructeurs répondent-ils présents ?

Pour les constructeurs, la situation est aussi incertaine que pour nous. Ils doivent anticiper les technologies qui vont s’imposer, mais les risques sont élevés. Comme je le disais, l’OTRE et d’autres acteurs du secteur plaident pour une législation claire sur les choix de motorisation en fonction des usages. Cela vaut également pour les constructeurs. Cela les aiderait à produire des véhicules adaptés à chaque territoire et aux besoins spécifiques et ainsi limiter les hausses de coûts liées à ces mêmes incertitudes.

Avez-vous bénéficié de soutien et d’incitations fiscales pour accélérer votre transition énergétique ?

Le soutien direct sous forme d’incitations fiscales ou de subventions est marginal, mais les appels d’offres des collectivités locales ont joué un rôle déterminant dans notre transition énergétique. De plus en plus de collectivités valorisent les motorisations alternatives dans leurs appels d’offres, et attribuent des points supplémentaires lorsque nous proposons des services partiellement ou totalement décarbonés. Cela nous encourage à investir dans ces technologies, d’autant plus que la tendance à allonger la durée des marchés publics nous donne une meilleure visibilité pour rentabiliser ces investissements.

Avez-vous mis en place des programmes de formation sur la conduite éco-responsable et l’utilisation des nouveaux véhicules ?

La formation de nos conducteurs est cruciale pour réduire la consommation de carburant et, par conséquent, les émissions de CO2. Chez Verbus, nous avons mis en place une application qui permet à nos conducteurs de visualiser en temps réel leur comportement de conduite, comme les accélérations, les surrégimes ou les freinages brusques. Cela les aide à comprendre les points d’amélioration pour adopter une conduite plus éco-responsable. De plus, nous avons instauré un dispositif d’incitation financière, grâce auquel les conducteurs reçoivent 50 % des économies de carburant réalisées, ce qui est non seulement bon pour l’environnement, mais économiquement intéressant, avec des économies substantielles qui nous permettent de financer le dispositif.

Selon vous quel sera le rôle de l’autocar dans les années à venir ?

L’autocar va jouer un rôle fondamental dans le transport en commun, en particulier dans les zones périurbaines et rurales. C’est un mode de transport extrêmement efficace en termes de CO2 émis par passager, bien plus compétitif que la voiture individuelle. Après avoir récupéré la compétence transport, les régions ont largement contribué à l’amélioration des services par autocar, notamment à travers des politiques tarifaires incitatives. Ainsi, nombreux sont les jeunes qui utilisent les transports en commun et trouvent moins nécessaire d’obtenir un permis de conduire. Nos autocars se remplissent… la dynamique est donc bien en marche !

 

Propos recueillis par Pierre Lancien

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