Christophe-Dieda
Christophe Dieda
Directeur commercial de Bacqueyrisses

« Bacqueyrisses, une start-up centenaire »

En 2025, Bacqueyrisses fête un siècle d’existence. Une longévité rare dans l’univers du car et du bus, où les constructeurs et les technologies se succèdent à un rythme accéléré. Cent ans d’histoire, c’est aussi cent ans d’adaptation, de transmission et de savoir-faire industriel. Alors que l’entreprise familiale aborde son deuxième siècle, nous avons rencontré Christophe Dieda, directeur commercial, dont la passion et le professionnalisme illustrent l’esprit Bacqueyrisses, pour évoquer l’état du marché, la transition énergétique, les innovations technologiques et les bouleversements liés à la reprise d’Iveco par le groupe indien Tata.

Mobily-Cités : Comment percevez-vous l’évolution actuelle du marché du car et du bus en France et en Europe ?

Christophe Dieda : Le mot qui me vient à l’esprit, c’est « contrasté ». On assiste bel et bien à une reprise de l’activité, mais elle reste fragile. Les transporteurs, en France comme en Europe, sont confrontés à une multitude d’incertitudes. La hausse des coûts, la pénurie de main-d’œuvre – qui est un serpent de mer depuis des années –, la disparition de certains constructeurs et les difficultés d’approvisionnement pèsent lourd sur le secteur. À cela s’ajoutent les incertitudes réglementaires et environnementales : quels carburants seront réellement privilégiés demain ? Quelle motorisation pour quel type de service ? Personne n’a aujourd’hui de réponse définitive.

Le marché public soutient le secteur, mais lui-même fait face à des contraintes budgétaires. Résultat : une reprise qui existe, mais qui n’est pas encore solide. Les transporteurs avancent, parfois à tâtons, dans un environnement où la visibilité reste limitée.

 

Quelles tendances voyez-vous se dessiner pour les prochaines années ?

La transition énergétique est la grande tendance, mais elle est encore brouillonne. Elle avance dans tous les sens : on parle de bioGNV, d’électrique, d’hydrogène… sans qu’une seule énergie ne s’impose clairement. Les transporteurs veulent s’engager, mais ils se heurtent à deux obstacles majeurs : les coûts, qui sont encore très élevés, et les conditions d’acquisition dans le cadre des marchés publics, qui ne sont pas toujours adaptées.

Nous vivons donc une période où coexistent plusieurs technologies, sans certitude sur celle qui deviendra dominante. Pour nous, concessionnaires et partenaires des transporteurs, cela signifie qu’il faut rester souples, vigilants, capables d’accompagner chaque client dans ses choix, tout en sachant que ces choix pourront évoluer rapidement.

 

Justement, comment Bacqueyrisses accompagne-t-il ses clients dans l’intégration de ces nouvelles motorisations ?

Nous avons toujours eu un rôle de conseil, et il devient aujourd’hui essentiel. Nous maîtrisons la gamme de notre constructeur IVECO Bus, nous connaissons les forces et les limites de chaque technologie. Ceci nous permet de conseiller nos clients en leur expliquant les forces et faiblesses adaptés à leurs cas d’usage.

Nous proposons par exemple des véhicules interurbains diesel et GNV, mais aussi des CROSSWAY électriques zéro émission. L’hydrogène fait partie des technologies que nous suivons de près avec notre constructeur. Là encore, il faut être lucide : ces technologies sont coûteuses au démarrage et nécessitent des infrastructures ainsi que des compétences nouvelles.

Un technicien diesel ne devient pas expert en nouvelles énergies du jour au lendemain. C’est pourquoi nous investissons beaucoup dans la formation. À chaque nouvelle technologie qui émerge, nous devons nous assurer que notre personnel est prêt à intervenir, dans des conditions de sécurité maximale. L’hydrogène, par exemple, ne s’improvise pas.

 

Vous avez aussi investi dans le numérique avec des solutions comme Intellibus et désormais Iveco on. De quoi s’agit-il ?

Intellibus a été lancé en 2008. Depuis, IVECO Bus a enrichi et fait évoluer le dispositif, qui s’appelle aujourd’hui IVECO ON. L’idée est simple : fournir un suivi en temps réel des véhicules, détecter un dysfonctionnement, et intervenir rapidement.

Cela ne signifie pas qu’un technicien pourra être envoyé immédiatement, mais que nous pouvons anticiper une panne, planifier une intervention avant qu’elle ne devienne critique, et surtout éviter l’immobilisation du véhicule. Pour un transporteur, cela se traduit par une meilleure disponibilité de son parc et par une réduction significative des coûts de possession.

L’optimisation de l’usage est aussi une forme de transition écologique. Un conducteur bien formé, qui adopte une conduite apaisée, peut réduire jusqu’à 20 % la consommation énergétique de son véhicule. L’utilisation des ralentisseurs, la gestion du freinage, tout cela contribue à prolonger la durée de vie des composants et à réduire les émissions. La technologie, associée à la formation, devient ainsi un levier d’économie et de durabilité.

 

Venons-en au rachat d’Iveco par le groupe Tata. Quel impact anticipez-vous ?

À ce stade, nous n’avons pas plus d’informations que ce qui circule dans la presse. Mais lors d’une récente réunion du réseau, la direction d’IVECO Bus a réaffirmé l’importance que revêt à ses yeux son réseau de distribution et d’après-vente.sa volonté de maintenir et de développer son réseau de distribution et d’après-vente. C’est un signal extrêmement rassurant.

 

Notre histoire industrielle est longue : CHAUSSON, SAVIEM, RENAULT VI, IRISBUS, IVECO BUS … Nous avons traversé beaucoup de changements. Nous nous sommes adaptés, et nous continuerons à le faire. Je pense sincèrement que Tata poursuivra le développement du réseau, historiquement implanté et reconnu. La valeur d’Iveco, ce n’est pas seulement ses usines ou ses produits, c’est aussi ce maillage de concessionnaires et de partenaires de proximité.

 

Bacqueyrisses célèbre son centenaire. Quel est le secret de cette longévité ?

Je dirais : l’indépendance et l’esprit familial. Nous avons beaucoup grandi ces quinze dernières années, mais nous sommes restés une entreprise à taille humaine. Chaque salarié connaît le président, chacun se sent impliqué. Cette proximité est une force.

Nous avons su transmettre, innover, nous adapter aux bouleversements économiques, technologiques et sociaux. Comme aiment le dire Pierre-Marie Gaillon et Jean Bacqueyrisses,
« BACQUEYRISSES est une start-up centenaire ». Nous portons avec nous un héritage technique et humain, et nous continuons à écrire notre histoire avec cette même énergie.

Traverser un siècle, ce n’est pas seulement résister : c’est se transformer en permanence, tout en restant fidèle à son socle. C’est cette identité qui fait que Bacqueyrisses est reconnu aujourd’hui comme un acteur singulier, spécialisé à 100 % dans le car et le bus. Et nous avons bien l’intention de continuer ainsi.

Propos recueillis par Pierre lancien

 

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