12 07 2023

Cars express, route à induction, panneaux solaires… les pistes de Vinci pour transformer le système autoroutier

Avec 87% des flux de voyageurs et 88% du fret, la route est à l’origine de 95% des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports. Même dans la perspective d’un doublement de la part du rail d’ici à 2040, elle resterait majoritaire. C’est donc la route qui recèle le plus fort potentiel de décarbonation. Vinci Autoroutes, qui gère environ la moitié du linéaire concédé français, a demandé au cabinet Altermind de se pencher sur la question, ou plutôt d’actualiser la réflexion présentée fin 2022. L’invasion de l’Ukraine par la Russie ayant renforcé certaines tendances sous-jacentes, comme la priorité donnée à la souveraineté industrielle et énergétique, indique l’économiste Patrice Geoffron, qui a dirigé les travaux. Pour répondre aux enjeux climatiques, économiques, environnementaux et sociétaux, la stratégie de l’autoroute doit donc élargir ses objectifs bien au-delà de la stricte décarbonation des déplacements. Parmi les leviers de transformation identifiés, on relève le déploiement des infrastructures de charge électrique, le soutien aux mobilités décarbonées (covoiturage, cars express), la production d’énergie renouvelable, notamment via le photovoltaïque, ainsi que la résilience des autoroutes, de plus en plus exposées aux conséquences des aléas climatiques.

L’électrification des autoroutes est indispensable à la décarbonation des transports longue distance. Le déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE), mais le nombre de bornes doit être multiplié par 7 dans les années à venir pour répondre aux besoins. Il faudra 60 à 70 bornes en moyenne sur chaque aire de service, et même 200 points de charge pour les aires les plus fréquentées. Cette bascule énergétique s’accompagne d’une nouvelle conception, et nécessite une gestion optimisée de l’énergie au moment des pics de consommation. Vinci va accroître parallèlement sa production d’électricité solaire, qui devrait atteindre une capacité de 1 GWc d’ici à 2030-35.

«Nous devons maintenant passer aux besoins spécifiques des poids lourds, pour lesquels il faudra prévoir une charge en 45 minutes de façon à coïncider avec le temps de pause réglementaire des conducteurs», indique Christophe Hug, directeur général adjoint de Vinci Autoroutes. D’ici à 2035, la puissance disponible pour les camions devrait être du même ordre que celle destinée aux véhicules légers, soit 40 MW. Vinci Autoroutes travaille également sur les solutions complémentaires aux batteries, dont l’Electric Road System (ERS), qui consiste à apporter de l’électricité via l’infrastructure routière, par pantographe, par rail ou par induction. Ainsi, deux tronçons de 2 km vont être équipés sur l’Autoroute A10, en amont du péage de Saint-Arnoult dans le sens Paris-Province pour une expérimentation lancée en 2024 avec Elonroad, Electreon, Hutchinson ainsi que l’Université Gustave Eiffel.

Autre chantier, celui de l’évolution des usages. André Broto, ex directeur de la prospective de Vinci Autoroutes, et auteur d’un ouvrage intitulé «Transports: les oubliés de la République», rappelle que «les déplacements longs du quotidien représente 57% des émissions de la voiture». Bien connectés aux réseaux ferrés ou urbains structurants, cars express et lignes de covoiturage permettraient à de nombreux navetteurs de se passer de leur voiture. Ainsi, «le réseau de cars express de l’Isère permet à 28% des salariés issus du périurbain de rejoindre Grenoble en transports collectifs, contre à peine 10% dans les autres villes françaises comparables», souligne André Broto. Malgré le retard français en la matière, les initiatives se multiplient, autour de Bordeaux et bientôt en Ile-de-France, où le premier réseau sera présenté à l’automne.

L’ensemble de ces transformations ont un coût, estimé à 70 Md€ pour l’ensemble du réseau. Un investissement qui permettrait de réduire de 40% les émissions de GES d’ici à 2035 comparé au niveau de 2019. Pour Patrice Geoffron, qui rappelle que le rapport Pisany-Ferry Mahfouz chiffre à 65 Md€ par an l’effort nécessaire à l’adaptation de l’économie française à la décarbonation, la valeur de référence est celle du coût de l’inaction. Christophe Hug quant à lui se défend de préparer ses arguments dans le débat sur le devenir des concessions autoroutières. Le financement de cette transformation du système autoroutier doit être partagé entre les différents acteurs concernés, dont les territoires. Une manière de s’adresser aux collectivités locales, sollicitées sur tous les fronts de la transition… et qui demandent toutes une part des profits autoroutiers pour alimenter leurs budgets mobilité.

Sandrine Garnier

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