Bornes de charge, aires d’autoroutes… la filière réclame des aides pour accompagner l’électrification des poids lourds

15 03 2024 | Actualités

La France compte plus de 600.000 poids lourds, qui transportent plus de 1600 millions de t de marchandises chaque année au niveau national, 31 millions en cabotage et 307 millions de t en transit. Le transport routier de marchandises représente 90% des flux et 7% du total des émissions de Gaz à effet de serre (GES) national. Même si la part du fret ferroviaire doublait dans les 10 ans à venir, la route resterait majoritaire. Pour réduire les émissions liées au TRM, l’Europe et la France ont adopté des objectifs d’électrification des flottes, qui imposent aux constructeurs de faire évoluer leurs gammes de véhicules. Mais pour réussir à réduire les émissions de 30% d’ici à 2035, il faudra disposer d’une infrastructure de charge performante sur les principaux axes routiers. Pour évaluer les besoins de charge en itinérance, Enedis, TotalEnergies et Vinci ont mené une étude prospective, en partenariat avec les principaux constructeurs, Iveco, MAN, Mercedes-Benz, Renault Trucks, Scania et Volvo.

Les premiers résultats de ce travail avaient été présentés à l’occasion du Salon Solutrans, en novembre dernier. 630 M€ d’investissements sont nécessaires pour équiper 12.000 points de charge, ce qui ne représente environ qu’un dixième de l’effort global à prévoir. En effet, il sera également indispensable de mettre en place des infrastructures de charge dans les dépôts des transporteurs, ainsi qu’auprès des principales zones logistiques et des parkings poids lourds qui se trouvent en dehors du réseau autoroutier. De plus, la conversion des flottes s’effectue à un rythme moins rapide qu’attendu. Les transporteurs hésitent devant le niveau des investissements à effectuer, d’autant plus qu’ils ne sont pas certains de pouvoir recharger leurs véhicules dans les missions de longue distance. «Nous sommes face à enjeu majeur d’anticipation», souligne Pierre de Firmas, directeur Mobilité électrique chez Enedis. Les acteurs de la filière se félicitent d’ailleurs du lancement par la Direction générale des transports, des infrastructures, et de la mobilité, d’une feuille de route pour la recharge électrique des véhicules lourds.

Le casse-tête du foncier

Au-delà des raccordements et de la mis en place des points de charge, le foncier disponible constitue un autre point sensible. Car l’électrification remet en cause l’organisation des aires de service. Contrairement à un plein de carburant, la charge électrique suppose des parkings traversants, ce qui désoptimise la capacité de stationnement. «Nous allons devoir organiser deux systèmes de charge, pour véhicules légers et poids lourds, avec des circuits de circulation séparés», précise Mathieu Soulas, directeur Nouvelles Mobilités chez TotalEnergies.La transformation des aires pourrait aboutir à la suppression d’environ un quart des places de stationnement : deux tiers des tronçons les plus empruntés pourraient à terme se retrouver en déficit de foncier, soit un manque de 7 à 8.000 places de parking poids lourds. La place manque pour augmenter les emprises des aires de service, et le principe du zéro artificialisation nette (ZAN) ne facilite pas les choses.

Sans surprise, la réflexion conduit la filière à demander aux autorités publiques des mesures incitatives, du même ordre que celles adoptées pour soutenir l’équipement en bornes électriques destinées aux véhicules légers. Ce programme avait été financé après la crise sanitaire, dans le cadre du plan de reprise de l’activité. Les opérateurs soulignent également que durant les premières années, ce réseau d’avitaillement électrique ne sera pas rentable, étant donné le faible nombre de camions électriques en circulation (à peine plus de 1% des immatriculations en 2023). En cette période de restrictions budgétaires, il faudra faire preuve de créativité pour trouver des pistes de financement. Louis du Pasquier, directeur des Mobilités décarbonées chez Vinci Autoroutes, évoque les solutions déjà éprouvées : jouer sur le Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) ; débloquer des subventions ; compter sur l’investissement privé ; ou encore faire évoluer les contrats de concessions autoroutières… Reste ensuite à convaincre les transporteurs d’adopter massivement les véhicules électriques. Un appel à projet doté de 230 M€ est attendu pour ce printemps. Sa précédente édition, l’an dernier, avait permis de cofinancer l’acquisition de 1.000 camions.  

Sandrine Garnier

 

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