«Le règlement européen CO2 ne valorise pas la filière du BioGNV à sa juste valeur: c’est dommage, car c’est une des seules solutions disponibles pour décarboner le transport lourd et répondre à l’urgence climatique…», a regretté Jean-Luc Davy, président du Siéml (Syndicat Syndicat intercommunal d’énergies de Maine-et-Loire) et vice-président de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies). Ce règlement CO2 qui porte sur les véhicules lourds neufs doit être définitivement adopté le 10 avril 2024 par le Parlement européen. La Fédération a réuni, le 3 avril 2024, les parties prenantes au cours d’un webinaire de mobilisation autour du bioGNV, organisé en partenariat avec le salon Drive to Zero (28 et 29 mai 2024).
Ile-de-France Mobilités, Iveco, GTRgaz, le transporteur Linevia et le groupe La Poste ont regretté que ce règlement européen fasse reposer quasi exclusivement la décarbonation du transport lourd sur l’électrique et l’hydrogène. Les intervenants ont souligné que l’analyse sur le cycle de vie (ACV) démontre pourtant que l’empreinte carbone d’un véhicule au bioGNC est comparable à celle d’un véhicule à batteries ou roulant à l’hydrogène vert. Ils considèrent que seul un mix énergétique pourra répondre à la fois aux défis de la transition énergétique et aux différents cas d’usages comme l’autonomie des véhicules : «Il faut utiliser un bouquet de solutions pour parvenir à une décarbonation rapide et efficace», a insisté Jean Terrier, responsable national mobilité gaz chez GRTgaz.
Les différents participants de ce webinaire comptent ainsi sur la clause de revoyure prévue dans le règlement CO2 pour que l’UE intègre le bioGNV dans sa stratégie: en effet, la Commission européenne prévoit notamment qu’avant fin 2025, une étude réévalue son rôle et celui des biocarburants dans la décarbonation du transport lourd. Avant la fin 2027, la méthode de calcul des émissions de CO2 au pot d’échappement sera interrogée, laissant entrevoir la possibilité d’utiliser la méthode du Carbon Correction Factor (CCF): cela permettrait alors de prendre en compte le bioGNV (et les biocarburants) dans le calcul des émissions de CO2. Enfin, il s’agira de mesurer les contraintes posées par ce Règlement sur les collectivités qui ont déjà investi dans les bus et stations BioGNV. «Tout n’est pas encore joué: il est important de se mobiliser, car un autre scénario est possible», a souligné Christine Blestel, responsable des mobilités durables au Siéml.
Danger sur l’offre de transport
Sans cette révision du Règlement CO2, certains acteurs feront face à des difficultés économiques: «Il existe un risque d’obsolescence précipité de nos véhicules au bioGNV: nous aurions alors six ans pour renouveler notre flotte. Ce serait un mur d’investissement qui mettrait en péril les PME», a expliqué François Herviaux, PDG de Linevia, transporteur en Bretagne et Loire-Atlantique. Même inquiétude du côté de Jérémy Olivier, chef du département transition énergétique et performance d’exploitation d’Ile-de-France Mobilités: «Compte tenu des écarts de coût d’infrastructures et des véhicules, notre programme de transition énergétique avancerait beaucoup moins vite». Une équation économique qui met aussi en péril le remplacement 1 pour 1 d’une flotte de bus.
Surtout, les participants de ce webinaire en ont profité pour faire valoir les atouts du bioGNV: «C’est une énergie plus ancienne et plus mature. Cela se traduit par un TCO compétitif, un large choix de véhicules, un réseau de stations publiques performantes en croissance, une hausse continue de la production de biométhane», a déclaré Clément Chandon, directeur produit et homologation chez Iveco. «Un TCO encore plus compétitif avec la mise en place de la Tiruert», a souligné Anne-Laure Charpenet, directrice transition énergétique Transport et livraison du groupe La Poste… Une énergie enfin qui, pour ses défenseurs, présente l’avantage d’être produite localement et d’être immédiatement disponible.
Florence Guernalec