Face aux présidents de Régions réunis à Saint-Malo le 27 septembre, le ministre des Transports, Clément Beaune, a fait preuve d’un enthousiasme mesuré pour défendre le Pass Rail. Il a préféré mettre l’accent sur l’installation du Comité Etat-Régions des mobilités, dont la première réunion s’est tenue dans le cadre du congrès annuel des Régions. Carole Delga, présidente de la Région Occitanie et de l’association des Régions de France, avait d’ailleurs planté le décor: «Notre première priorité, c’est d’avoir des trains à l’heure et un réseau en bon état!» Et sans financement conséquent, «50% des lignes risquent de fermer d’ici 5 ans pour des raisons de sécurité», a-t-elle ajouté. L’accroissement des efforts de l’Etat pour entretenir et moderniser le réseau (3 Md€ cette année et 4,5 Md€ en 2027) ne sont pas au niveau des 100 Md€ sur 10 ans réclamés par les Régions depuis déjà un an pour réaliser le choc d’offre qu’elles jugent indispensable. Dans ce contexte, le lancement d’un tarif unique à 49€ voulu par le chef de l’Etat apparaît aux présidents de Régions comme «une mesure gadget» qui contrevient de surcroît à leur liberté en matière de politique tarifaire. Au-delà des positions de principe, les clés modalités de financement de la mesure posent une série de questions, dont la première concerne la participation de l’Ile-de-France au dispositif. Valérie Pécresse l’a souligné le 26 septembre, en signant un protocole d’accord financier avec l’Etat pour IdFM: on ne peut pas comparer Paris et le réseau de transport public francilien avec Bonn ou Stuttgart.
Ce qui fonctionne en Allemagne, pays beaucoup moins centralisé que le nôtre, n’est donc pas transposable tel quel. Quant à l’efficacité des mesures tarifaires pour inciter au report modal, elle reste à démontrer. De plus, et c’est Clément Beaune lui-même qui a avancé cet argument déterminant: les salariés bénéficient d’un remboursement à 50% de leur abonnement, ce qui ramène le coût des transports du quotidien à moins de 49€. Le Pass Rail pourrait donc bien aboutir à proposer des tarifs ciblés à certaines catégories de la population (les jeunes, par exemple), donnant accès aux TER et aux Intercités. Tout reste à définir, même le niveau de prix qui pourrait lui aussi évoluer, à la hausse bien sûr. Quant aux demandes récurrentes des collectivités sur les ressources affectées, VM additionnel en tête, le ministre des Transports se déclare «ouvert à la discussion», tout comme sur le niveau des péages ferroviaires. Pourtant, il reste confiant dans le calendrier avancé pour la mise en œuvre du Pass Rail à l’été 2024. Des scénarios opérationnels et financiers doivent être présentés en fin d’année pour aboutir à la mise en place d’une clé de financement et au déploiement des outils de commercialisation et de billettique quelques mois plus tard. Chiche !
Les présidents des Régions n’ont pas l’air convaincus. Pour eux, la discussion doit être réorientée sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le financement des transports ferroviaires en France. Carole Delga a donc demandé à la Première ministre, Elisabeth Borne, l’ouverture de véritables Assises de la Mobilité ferroviaire et de l’Intermodalité pour définir un système pérenne qui sécurise à la fois les investissements à effectuer sur le réseau et les capacités des Régions à assurer le fonctionnement des lignes dont elles ont la charge. Elisabeth Borne a répondu par le déploiement de la planification écologique, qui va permettre à l’Etat et aux collectivités de travailler ensemble. La Première ministre a également invité les présidents de Régions à signer avant la fin de l’année les volets Mobilité des Contrats de plan, pour lesquels l’Etat est prêt à engager 8,6 Md€, et qui constituent «un jalon déterminant dans la mise en place de la nouvelle politique ferroviaire».
Sandrine Garnier