Mobily-Cités : l’OTRE joue un rôle actif dans le domaine des transports de voyageurs. Quelle est votre vision du secteur et des enjeux actuels ?
Alexis Gibergues : L’OTRE défend une vision ambitieuse d’une mobilité collective structurée et à la hauteur des défis du XXIe siècle. Le secteur des transports de voyageurs, représentant 45% de nos adhérents et 36% de nos salariés, occupe une place importante dans notre fédération. Nous œuvrons pour que l’autocar soit pleinement intégré au maillage territorial multimodal et devienne un atout de la stratégie bas carbone nationale. Le récent plan national de car express, annoncé par le ministre des Transports, est encourageant. Nous espérons qu’il inclura des initiatives pour aménager et sécuriser les gares routières à travers le pays.
Mobily-Cités : Quelles sont les priorités que vous souhaitez voir traitées par les pouvoirs publics ?
Alexis Gibergues : L’OTRE a plusieurs attentes et propositions concrètes. Sur le plan économique, nous demandons l’intégration de clauses mensuelles d’indexation énergie dans les contrats publics, l’encadrement des risques assurantiels face à la pénurie d’assureurs pour les flottes d’autocars et la hausse des primes d’assurance. Il est crucial de garantir l’accès des TPE et PME aux marchés publics en dimensionnant les lots de manière adéquate. Par ailleurs, le contrôle du cabotage des services occasionnels de voyageurs est impératif pour préserver une juste concurrence avec les transporteurs locaux.
Mobily-Cités : L’autocar comme vecteur de transition énergétique, comment l’OTRE l’intègre-t-elle ?
Alexis Gibergues : La transition énergétique est un enjeu majeur. Nous soutenons le développement de réseaux intégrant les cars express, les services librement organisés (SLO) et les lignes de covoiturage. Dans les contrats de concession autoroutière, il est urgent de réduire les péages pour le transport collectif. Les gares routières doivent faire l’objet d’un plan ambitieux de développement et de sécurisation. La mobilité des personnes en situation de handicap doit être renforcée, notamment par l’intégration obligatoire de clauses de formation des conducteurs accompagnateurs dans les appels d’offres.
Mobily-Cités : Vous mentionnez fréquemment la nécessité d’attirer de nouveaux talents. Quels sont vos axes de travail pour renforcer l’attractivité des métiers du transport routier ?
Alexis Gibergues : Je suis convaincu qu’il est indispensable de faciliter les passerelles entre les permis professionnels, permettant à des conducteurs possédant un permis C ou D de conduire des véhicules de transport en commun sur des trajets de plus de 50 kilomètres. Pour attirer de nouveaux conducteurs, il faut maintenir l’aide à l’embauche d’alternants en contrat d’apprentissage au-delà du 31 décembre 2024. C’est une mesure nécessaire pour garantir le renouvellement des compétences dans notre secteur.
Mobily-Cités : Comment l’OTRE envisage-t-elle la décarbonation et la transition énergétique de ses membres ?
Alexis Gibergues : Nous avons été précurseurs en matière de prise de conscience environnementale. Nos conducteurs sont formés à l’écoconduite et nos véhicules évoluent constamment. Mais il faut franchir une nouvelle étape. Le verdissement des flottes exige un effort financier considérable, que les annonces du projet de loi de finances pour 2025 ne rassurent pas. Les véhicules électriques et à faible émission de carbone coûtent trois fois plus cher que leurs homologues thermiques, ce qui complique leur acquisition. Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un plan d’accompagnement sur plusieurs années est indispensable. Cela inclut des aides directes, une meilleure visibilité des dispositifs disponibles et des solutions innovantes telles que le financement via le marché carbone ou les C2E.
Mobily-Cités : Quels freins identifiez-vous à cette transition ?
Alexis Gibergues : La dynamique d’installation de bornes électriques en France est insuffisante et freine le passage à l’électrique. Notre rôle est d’œuvrer pour un mix énergétique réaliste, soutenu par un cadre commercial adapté et la coopération des donneurs d’ordre. Dans les marchés publics, nous proposons l’utilisation de critères Crit’Air pour valoriser les efforts des entreprises en matière de décarbonation tout en garantissant un financement juste.
Mobily-Cités : Selon-vous quels sont vos messages pour l’avenir du secteur ?
Alexis Gibergues : La mutation de notre filière est en marche. Nous comptons sur l’État et le Gouvernement pour nous accompagner dans cette transformation. La route, décarbonée et modernisée, restera un moyen de déplacement essentiel, et l’autocar en sera un acteur incontournable, en complément des autres modes de transport.
Propos recueillis par Pierre Lancien