Attention aux effets pervers des aides à la conduite. C’est la mise en garde du Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), qui vient de décortiquer un accident entre un autocar Blablacar et un camion, survenu en mai 2021 sur une liaison Nice-Bordeaux. Le véhicule Irizar i6, exploité par Verdié Autocars pour BlablaCar, avait percuté le camion, en panne sur la bande d’arrêt d’urgence de l’A62, en empiétant sur la voie de droite. Le choc avait fait 11 blessés chez les passagers, dont trois graves.
La conductrice, qui n’avait dormi que quatre heures durant la nuit, conduisait avec le régulateur de vitesse réglé sur 100 km/h et n’a pas freiné avant l’obstacle, «très certainement du fait d’une attention très réduite», indique le BEA-TT dans un rapport publié le 4 mai. D’autant qu’une autre d’aide à la conduite lui a joué un mauvais tour: le système de freinage automatique d’urgence, le AEBS (Advanced Emergency Braking System) qui était en état de fonctionner, ne s’est pas déclenché. Le radar n’ayant pas su détecter un obstacle désaxé.
Au-delà de ce constat, le BEA-TT pointe des trous préoccupants dans la réglementation et la fiabilité des tests. Rien n’oblige en effet un constructeur à garantir la performance du freinage automatique au-delà de 80 km/h. «On peut dès lors s’interroger sur l’emploi de ce système sur autoroute par les poids lourds et les autocars, pour lesquels les vitesses maximales autorisées sont respectivement de 90 km/h et 100 km/h», fait savoir le BEA-TT, qui appelle à sensibiliser les conducteurs sur les limites de cet équipement. L’organisme recommande ainsi «d’introduire dans le règlement CEE-ONU R131 des exigences minimales de performances du système AEBS dans des conditions se rapprochant autant que possible de configurations réelles, en zone urbaine comme en zone inter-urbaine».
L’autre cause principale de l’accident de ce Blablacar «repose la question de l’hypovigilance lors de la conduite sur autoroute, et en particulier en ayant activé le régulateur de vitesse, hypovigilance qui peut être provoquée par une mauvaise hygiène de vie (manque de sommeil, mauvaise alimentation…).» Le BEA-TT avait déjà pointé l’aspect négatif du régulateur dans certaines conditions, au sujet de l’accident d’un autocar FlixBus sur l’autoroute A1, survenu le 3 novembre 2019.
Marc Fressoz