A un peu plus de quatre mois de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024, Athénée Collections a organisé une conférence sur l’accessibilité des transports et la mobilité inclusive le 12 mars 2024. Une opportunité de faire le point sur la préparation des gestionnaires d’infra et des opérateurs à l’accueil des personnes en situation de handicap. Un enjeu d’autant plus crucial que «bien couvrir ces besoins, c’est bénéfique pour tout le monde», a souligné Agnès Ogier, directrice de la Business Unit RATP Services Ferrés et membre du Comex du groupe RATP, qui a cité comme exemple les annonces sonores des stations à l’intérieur des rames.
Première bonne nouvelle: «Toutes les gares qui desserviront les sites olympiques seront accessibles», a assuré Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées. Cela comprend notamment les gares RER, soit 219 gares en Ile-de-France sur 268. Toutefois, le métro qui n’est pas concerné par le schéma directeur d’accessibilité de la Région, compte uniquement 27 stations accessibles aux personnes en situation de handicap sur plus de 300, une quarantaine à la fin 2024. Or, la RATP estime que 70% des déplacements lors des ces JOP se feront en métro… En revanche, 100% des lignes de bus sont d’ores et déjà accessibles. En outre, «en dix mois, 1.800 arrêts de bus ont été rendus accessibles, à raison de 40.000 € par arrêt, soit un budget de 72 M€», a déclaré Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris chargée de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap.
Reste la question des taxis et VTC: 350.000 PMR seront accueillies durant les JOP, dont 61% seront amenées à utiliser ces services, selon Laureline Serieys, general manager d’Uber. L’exécutif a mis en place une subvention spéciale pour l’événement afin de permettre aux taxis de s’équiper de véhicules adaptés: le montant de l’aide est fixé à 40% du coût d’acquisition du véhicule, dans la limite de 22.000 € pour les véhicules classés électriques et de 15.000 € pour les véhicules classés Crit’Air 1. Cette subvention, qui court jusqu’au 31 décembre 2024, porte sur les 1.000 premiers dossiers de taxis PMR qui exercent dans une ville qui accueille des épreuves des JOP. L’Etat propose également des modules vidéos pour tous les chauffeurs de taxi et VTC afin de mieux prendre en charge les personnes en situation en handicap.
Par ailleurs, la réglementation française comme européenne contraint de former tous les agents en contact avec le public à l’accueil des personnes en situation de handicap. «Nous nous attendons à une hausse de 65% de la demande d’assistance et de 300% sur les quais de gare durant les JOP 2024 par rapport à 2023, a expliqué Laëtitia Monrond, directrice de l’accessibilité chez SNCF Réseau. Les JOP vont nous donner l’opportunité de renforcer la formation de notre personnel: les vidéos tournées avec les associations de personnes handicapées montrent les bonnes pratiques en termes de savoir-faire et de savoir-être. Elles seront installées sur les smartphones des agents. Nous allons aussi sensibiliser ceux qui renforceront les équipes pour qu’ils sachent s’adresser aux personnes en situation de handicap.»
Une question d’autonomie
En outre, l’obligation de créer un service unique de réservation d’une assistance lors des déplacements en train a été inscrite dans la LOM adoptée en décembre 2019. Depuis janvier 2024, Assist’ en gare est devenue la plateforme pour tous les voyageurs en situation de handicap, quel que soit leur opérateur ferroviaire: ce service gratuit est disponible via un formulaire en ligne et un numéro de téléphone. «Négocier des règlements européens en matière de droits des voyageurs permet de belles avancée à l’échelle de l’Europe: par exemple, le délai de réservation d’une assistance a été réduit de 48 à 24 heures dans l’ensemble des pays membres», a indiqué Muriel Larrouy, chargée de mission accessibilité des transports à la Délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA), faisant référence au nouveau règlement européen sur les «droits et obligations des passagers ferroviaires» entré en vigueur en juin 2023.
La LOM contraint également les opérateurs de transport et les gestionnaires d’infrastructure à créer des bases de données sur l’accessibilité PMR des services de transport: à partir de la fin mars 2024, l’outil Accès libre mobilités agrégera et diffusera l’ensemble de la data sur l’accessibilité voirie, transports et ERP qui était jusqu’ici dispersée. «La donnée est centrale, car elle permet de préparer ses déplacements en amont via des calculs d’itinéraires accessibles en fonction notamment d’équipements comme les ascenseurs… La remontée des données d’affluence, par exemple, peut également aider au choix de déplacements en cas de perturbations», a souligné Marie Gonzato Yahiel, responsable accessibilité clients chez Keolis.
Lors de cette conférence, des personnes en situation de handicap ont exprimé l’envie de se déplacer en autonomie et la nécessité d’améliorer l’intermodalité, par exemple, entre le train et l’avion à l’aéroport CDG. Deux enjeux qui ne peuvent être résolus que par des services, des équipements et une information supplémentaires et adaptés. «C’est un travail titanesque de transformation à réaliser pour offrir un lieu accessible : ascenseurs, rampes, bandes de guidage, boucles à induction magnétique…», a reconnu Renaud Duplay, directeur général adjoint chargé des opérations et directeur du projet d’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 du groupe ADP. Un challenge à relever qui peut être une opportunité d’expérimenter des innovations à l’image de celle mise en œuvre par la SNCF et Acceo via son appli Acceo Pro, qui permet à des personnes sourdes et malentendantes de faire appel à un interprète, ou de Tradivia, outil de traduction instantanée fondé sur l’IA qui permet aux agents RATP de communiquer à l’oral comme à l’écrit en 16 langues. L’outil a été développé par la Régie et financé par Ile-de-France Mobilités dans l’optique des JOP 2024.
Enfin, un groupe d’experts d’usage, composé de personnes en situation de handicap bénévoles, a été créé sous la houlette de la délégation interministérielle aux JO. Il est destiné à tester et corriger les solutions de transport et d’accueil. Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées, espère que ce groupe d’experts perdurera au-delà des JO.
Florence Guernalec