Bertrand-Affile
Bertrand Affilé
Vice-président Stratégie de mobilité et des déplacements de Nantes Métropole

« SERM : La Région et la Métropole de Nantes ne seront pas en mesure de financer seules les coûts de fonctionnement »

Nantes s’appuiera sur son étoile ferroviaire pour son futur SERM et complétera cette offre par un bouquet de services de mobilité afin de mieux desservir l’aire urbaine. Bertrand Affilé, vice-président Stratégie de mobilité et des déplacements de Nantes Métropole, estime que les coûts de fonctionnement supplémentaires ne seront pas soutenables sans l’appui de l’Etat.

Mobily-Cités : Quelle est l’ambition du futur SERM de Nantes ? 

Bertrand Affilé : Nous allons proposer une solution de mobilité globale à l’échelle de l’aire urbaine de Nantes. Son architecture repose évidemment sur le train, mais aussi sur les transports urbains, les cars régionaux, le covoiturage et peut-être des services de vélo ou de TAD selon les territoires.

Quel service se dessine sur le TER ?

L’offre sera renforcée sur les cinq lignes de l’étoile ferroviaire de Nantes1. Parallèlement, nous allons ouvrir des haltes ferroviaires : elles permettront notamment de créer des voies d’évitement afin de faire circuler davantage de trains sur une même ligne. L’une d’elle sera créée à l’aéroport de Nantes Atlantique afin de faciliter son accès en transport en commun depuis la gare et le centre-ville, la Vendée et Pornic.

Nous visons, à l’horizon 2030, un cadencement à la demi-heure en heures de pointe ; toutes les heures en heures creuses. Nous souhaitons que cette offre supplémentaire ne cible pas uniquement les pendulaires. En revanche, le tram-train Nantes-La Chapelle-sur-Erdre [ligne Nantes-Châteaubriant inaugurée en 2014] passera à un cadencement au quart d’heure contre la demi-heure aujourd’hui : ce territoire connaît une forte croissance de sa population et il existe une forte demande sur ce tronçon. Cette offre sera d’autant plus facile à mettre en œuvre qu’il s’agit d’une ligne dédiée au tram-train : il n’y a donc pas de conflit d’usages…

 Enfin, nous réfléchissons à la possibilité d’une ligne diamétralisée Est-Ouest Ancenis-Savenay. 

 Nantes Métropole a d’ores et déjà annoncé le lancement de deux lignes de covoiturage à haut niveau de service pour desservir l’air urbaine… 

 En effet, nous aurons une ligne en Y avec des arrêts prédéterminés entre Saint-Herblain [ville la plus importante de la Métropole après Nantes avec 51 000 habitants], Savenay et Blain [situés à une trentaine de kilomètres] qui doit être mise en service au deuxième semestre de 2025. L’autre ligne, programmée pour 2026, partira de Nantes pour rejoindre Le Bignon, Remouillé avec pour terminus Sainte-Lumine-de-Clisson. Ce tracé, qui sera parallèle à la ligne de TER Nantes-Clisson, a vocation à transporter des voyageurs qui habitent à 10-15 minutes en voiture d’une gare, et renoncent aujourd’hui à prendre le train.

Nous travaillons également sur des voies dédiées au covoiturage afin de faciliter l’entrée ou la sortie de l’agglomération en fonction de l’analyse des bouchons et de la congestion.

Enfin, nous proposons déjà un dispositif incitatif au covoiturage qui a été mis en place avec la Région des Pays de la Loire : ce service repose sur plusieurs opérateurs concurrents, ce qui élargit de fait les possibilités de covoiturer et de trouver “chaussures à son pied” !

Comment les transports urbains pourraient participer à l’amélioration des déplacements en dehors de la Métropole ?

Nous avons identifié trois communautés de communes [CC] qui pourraient bénéficier d’un prolongement d’une ligne Chronobus de 5 km pour desservir des zones d’emplois et d’habitat : Erdre et Gesvres, Sèvre et Loire, Grand Lieu. Nous avons tout intérêt à ce que les habitants de ces communes renoncent à leur voiture et prennent les transports en commun pour se rendre dans l’agglomération. Il est donc normal qu’en échange de cette externalité positive, la Métropole prenne à sa charge l’essentiel de ces coûts supplémentaires…

Cette démarche nécessite une approche concertée et un financement adéquat. Nous y travaillons au niveau de la région afin de trouver une approche globale : cela permet de raisonner en termes de territoire de vie de nos habitants respectifs. C’est dans ce même esprit d’alliances des territoires que nous travaillons avec les communes de la grand aire urbaine de Nantes pour installer des P+R en lien avec notre réseau de transport en commun au-delà du périphérique : la Métropole n’a pas intérêt à ce que ces voitures entrent dans l’agglo, et ces communes ont intérêt à proposer un moyen de transport décarboné. C’est une collaboration gagnant-gagnant.

Quelle gouvernance est envisagée pour le SERM de Nantes ?

A ce stade, ce point n’a pas été tranché. Mais, nous savons que la gouvernance du nouveau service ferroviaire devra évoluer pour inclure, aux côtés de la Région, la Métropole et les intercommunalités. Une solution serait de créer un syndicat d’études au démarrage et d’évoluer vers un syndicat d’exploitation pour sa mise en service. Seule certitude, nous sommes prêts à travailler ensemble pour mettre en œuvre ce SERM ! 

Quid du chiffrage et du financement  ?

Nous n’avons pas de montant à communiquer à ce stade d’autant que ce budget dépendra des services qui seront mis en place… Le CPER Mobilité 2023-2027 [signé en novembre 2023] prévoit déjà une enveloppe de 70 M€ pour financer la réalisation d’études et les premiers investissements. La question de la prise en charge des coûts de fonctionnement reste à préciser. Nous sommes évidemment prêts à contribuer davantage à ce SERM à condition de bénéficier de nouveaux services. Toutefois, il paraît clair que la Région et la Métropole ne seront pas en mesure de financer seules ces coûts supplémentaires…

De nouvelles taxes dédiées pourraient-elles voir le jour pour financer le SERM ?

L’augmentation de la fiscalité n’est, pour l’instant, pas envisagée. Toutefois, plusieurs solutions locales seront étudiées comme l’augmentation du versement mobilité, une tarification spéciale pour les territoires qui ne sont couverts que par le train, un système de grille tarifaire par zones comme cela existe en Ile-de-France.

Les deux nouvelles lignes de tram qui franchiront la Loire vers Rezé au sud de la ville, et celle de BHNS sur l’île de Nantes seront mises en service en 2026. Avez-vous d’autres projets pour encore mieux mailler le territoire ?

Notre défi des vingt prochaines années sera de développer des lignes de rocade en sortie de périphérique afin de ne plus contraindre les voyageurs de passer par le centre-ville de Nantes pour relier une zone d’activité à une autre. Concrètement, cela implique de trouver des voies parallèles au périphérique et aussi d’installer des P+R sur ces lignes. Nous devons également mieux prévoir les espaces dévolus aux transports en commun lors des projets de renouvellement urbain même si nous savons d’ores et déjà que nous ne pourrons le faire partout faute de place.

Nous avons ainsi ouvert une ligne qui relie la commune d’Indre au Nord Ouest de Nantes à La Chapelle-sur-Erdre au Nord Est via Saint-Herblain et Orvault en passant par Nantes Nord. Notre objectif aujourd’hui est de la prolonger jusqu’au PEM de la Babinière et de la transformer en Chronobus pour en améliorer la fréquence et la vitesse commerciale. Dans le Sud-Ouest de la Métropole, ce sera moins aisé à réaliser en raison de contraintes géographiques – franchissement de la Loire et lac de Grand Lieu. Il va falloir faire preuve de créativité !

Comment la Métropole fait face à son dynamisme démographique dans les communes autour de Nantes ?

Certaines communes périurbaines se heurtent au zéro artificialisation nette. Nous travaillons donc sur la densification des centre-bourgs avec nos collègues de l’interco. Il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours facile de convaincre des habitants qui ont fait le choix de la maison individuelle : si nous leur proposons d’aller vivre dans des immeubles de deux étages, ces personnes préfèrent autant habiter en ville pour bénéficier des services et des espaces verts à proximité !

Saint-Herblain, commune dont je suis maire, a vu sa population passer de 43 000 à 51 000 habitants en dix ans. C’est un bon exemple d’une ville qui se reconstruit sur elle-même, avec notamment un vaste projet de densification et de désartificialisation des sols (-10 à -12%) sur la zone commerciale Atlantis située en bordure de la RN444 : nous avons le projet de remplacer les bureaux type boîte à chaussures par un parc et la construction de 1000 logements qui comporteront des activités commerciales et des services en pied d’immeuble. La zone comporte déjà un supermarché, de grandes enseignes, deux cinémas, des restaurants, etc. Outre les lignes de bus, ce nouveau quartier sera desservi par une seconde ligne de tram dès 2026… Nous déposerons les premiers de permis de construire en 2025. 

Nantes Métropole a prévu d’instaurer une ZFE peu contraignante au 1er janvier 2025. Pourquoi ce choix ?

La Métropole est classée en zone à faibles émissions de vigilance et n’a donc pas d’obligation à mettre en œuvre une ZFE. En effet, la situation géographique de Nantes, avec un vent d’ouest dominant, permet de limiter la pollution. C’est pourquoi cette ZFE sera peu restrictive : ainsi, seuls les véhicules non classés seront interdits en semaine, aux heures de pointe du matin et du soir (7h00-9h00, 16h00-19h00) et en intra-périphérique. Nous dresserons un bilan au bout de trois ans : si la qualité de l’air se dégrade, cette ZFE minimaliste sera évidemment renforcée, sinon nous resterons sur le même niveau de contraintes.

Quel bilan dressez-vous de la gratuité pour tous des transports mise en place le week-end en 2021 ?

La fréquentation le samedi et le dimanche a repris plus vite que le reste de la semaine, de sorte que nous avons rapidement dépassé les niveaux d’avant Covid dès 2022-2023 : concrètement, le nombre de voyageurs a augmenté de 10% le samedi, un peu moins le dimanche. En revanche, nous ne retrouvons pas encore cet engouement dans les déplacements pendulaires en semaine… Néanmoins, cela devrait finir par arriver en raison de l’explosion des bouchons dus à la réalisation des nouvelles lignes de tram dans le centre de Nantes ! En l’occurrence, les comportements de mobilité commencent à changer :  il suffit de constater que la part modale du vélo a explosé… 

 

Propos recueillis par Florence Guernalec

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